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des superficies qu’il était à même de mettre en valeur. Le premier occupant conservait cette jouissance de la terre arch, tant qu’il la pouvait vivifier, et il la transmettait dans les mêmes conditions, soit à ses héritiers mâles en ligne directe, soit, à leur défaut, à ses héritiers mâles, en ligne collatérale. Les femmes étaient ainsi exclues de la jouissance du sol, afin de maintenir l’homogénéité de la communauté ; mais, comme dédommagement, elles avaient droit à la nourriture et à l’entretien sous la tente du chef de la famille. A défaut d’héritiers mâles directs, ou, si les héritiers collatéraux détenaient des terres en quantité suffisante, les champs faisaient retour à la communauté qui en disposait en faveur de ses membres insuffisamment pourvus. De même, si les champs étaient laissés sans culture par l’usager pendant un temps assez long pour que la terre revînt à l’état de friche, le conseil communal (djemaâ) avait le droit d’en disposer en faveur d’un tiers qui devait, aux termes du droit musulman, la vivifier.


III. — LE SYSTÈME DU CANTONNEMENT. — LA CONSTITUTION DE LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE

Le premier soin du commandant de l’armée d’occupation avait été de faire la part du domaine de l’Etat. Le 8 septembre 1830, un arrêté pris par lui attribua au domaine les biens du beylik, puis les biens des Turcs émigrés, et les immeubles des corporations religieuses ou habous. La préoccupation de faire la part de l’Etat était louable en soi, et il n’y avait pas d’objection sérieuse, au point de vue politique, à ce que les terres du beylik, et moine celles des Turcs émigrés fussent attribuées au nouveau domaine ; mais la mainmise sur les habous fut une mesure qui dut singulièrement froisser, à l’époque, nos nouveaux sujets musulmans. Les habous étaient la propriété des établissemens religieux au profit desquels ils avaient été constitués et servaient à l’entretien des mosquées, des écoles, à l’assistance des pauvres. Ils étaient hors du commerce, immobilisés, emprisonnés, comme l’indiquait leur nom (du mot arabe habas, emprisonner), et jamais sultan, dans toute sa gloire, fùt-il le plus autocrate, n’avait osé s’emparer de ces biens. Le gouvernement toutefois ne toucha pas pour lors aux droits de jouissance qu’avaient sur les territoires qu’il s’adjugeait les particuliers