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dépossession des tribus maghzen, aliénation des terres habous, confiscation des terres appartenant aux tribus ayant suivi la cause d’Abd-el-Kader, expropriation forcée des colons libres et d’indigènes qui n’avaient pu faire vérifier leurs titres, ne paraissant pas encore donner à l’administration toutes les terres dont elle voulait disposer en faveur de ses colons, on en vint à se demander s’il n’y aurait pas un moyen de revendiquer et de s’approprier sur l’ensemble du territoire algérien les terres dont on avait besoin. C’est ainsi que, s’appuyant sur ce que quelques tribus maghzen n’avaient qu’un droit de jouissance sur les terres à elle concédées par le Divan et sur ce que l’on voyait chez certaines tribus qui payaient le droit de location ou hokor, des fonctionnaires en arrivèrent à cette généralisation que l’ensemble des tribus algériennes n’étaient pas propriétaires des terrains occupés par elles. C’était aller à l’encontre des règles précises de la loi koranique qui reconnaît la propriété de la terre à celui qui en jouit pendant dix ans sans conteste et qui la cultive, et des autres titres de propriété dont les musulmans ne manquaient pas du reste. Nous avions d’ailleurs, en d’autres temps, reconnu la légitimité de ces titres et de ces droits, mais soit par oubli, soit par calcul, ces considérations n’entrèrent pas en ligne de compte, et, en 1849, le général Charon, gouverneur par intérim, se fit délivrer par un légiste demeuré inconnu une consultation où l’on concluait au droit supérieur de l’Etat sur toutes les terres arch possédées par les tribus algériennes, et l’on en vint à admettre qu’on pouvait bien laisser à ces cultivateurs les terres dont ils avaient besoin, mais qu’il y avait lieu de remettre le reste au domaine pour alimenter le service de la colonisation officielle. S’inspirant de ces conclusions, la loi du 17 juin 1851 eut pour objet de déterminer les conditions juridiques d’après lesquelles fonctionnerait le mode de répartition. Cette loi donna à l’Etat le droit de séquestrer les biens des indigènes révoltés ou passés à l’ennemi, reconnut à lui seul la faculté d’acquérir dans l’étendue du territoire militaire les droits de propriété ou de jouissance portant sur le sol d’une tribu, lui réserva le droit exclusif de créer des centres de population et autorisa à cet effet l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette expropriation put être prononcée (article 18) pour la fondation des villes, villages ou hameaux, ou pour l’agrandissement de leur enceinte ou de leur territoire, pour l’établissement des