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ouvrages de défense et des lieux de campement des troupes, pour l’établissement de fontaines, d’aqueducs, pour l’ouverture des routes, chemins, canaux de dessèchement, de navigation ou d’irrigation, et pour toutes les autres causes prévues et déterminées par la loi française. C’est alors que sous l’empire de la conception qu’on s’était faite de la propriété du terrain arch et de la loi de 1851, naquit la théorie dite du cantonnement dont le principe fut le suivant : l’État prétendu nu propriétaire du sol arch imposait le partage entre lui, nu propriétaire et le détenteur du sol, usufruitier. Le partage avait pour conséquence le prélèvement d’une partie du sol au profit de l’État ; le restant était laissé au détenteur qui obtenait, en retour, la pleine propriété du sol sur lequel on le cantonnait.

Du coup, l’administration était arrivée à ses fins : par suite du droit supérieur de l’État qu’elle avait fait admettre sur les terres arch, elle se voyait maîtresse de disposer à son gré du tiers du territoire algérien qu’occupaient ces terres ; l’expropriation pour cause d’utilité publique mettait le reste à sa merci ; et tout eût été pour le mieux, au gré de ses désirs, si la mise en application du système n’eût soulevé de la part des intéressés l’opposition la plus vive. Cette opposition fut telle qu’en six années, les Commissions dites de cantonnement qui fonctionnaient dans les trois provinces n’arrivèrent à cantonner que seize tribus comptant une population de 56 489 âmes et possédant une superficie totale de 343 387 hectares sur lesquels l’administration se réserva 64 033 hectares représentant le cinquième environ du territoire de ces tribus. Un effet désastreux n’en fut pas moins produit au sein des tribus algériennes menacées toutes de la dépossession ; des plaintes se firent entendre de toutes parts, et Napoléon III qui, au cours d’un voyage en Algérie, avait pu se rendre compte de la gravité de la situation, résolut de couper court au système du cantonnement. Dans la (lettre mémorable du 6 février 1863 adressée au maréchal Pélissier, gouverneur général de l’Algérie, il condamna nettement la théorie du domaine éminent de l’État, chère à l’administration, « les droits despotiques du Grand Turc, » et marqua sa désapprobation des pratiques suivies jusqu’alors vis-à-vis des indigènes. Il reconnut la nécessité de consolider la propriété du sol entre les mains des détenteurs arabes et kabyles et de laisser les tribus propriétaires des immeubles de leurs terres : il justifiait cette