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se tenir en contact direct avec eux et ne laisser aux cheiks qu’une autorité relative. Ainsi l’immense majorité de la population indigène, plus de quatre millions d’habitans, comprenant la population du territoire civil et de la partie septentrionale du territoire de commandement, se trouva plus ou moins englobée dans notre organisation départementale et communale. Seuls les indigènes du Sud ont été laissés en dehors ; mais même dans ces territoires, la plupart des grands commandemens indigènes ont disparu. Si l’on excepte les Ouled Sidi-Chéïkhs, les chefs placés à la tête des tribus ne sont plus comme autrefois une aristocratie tranchant de pair avec nous, mais un corps de fonctionnaires dans notre complète dépendance.

L’assimilation judiciaire a été menée de front avec l’assimilation administrative. Au criminel, il n’existe plus aujourd’hui de magistrature indigène. Sur toute l’étendue de l’Algérie on s’est appliqué à remettre la justice répressive en des mains françaises. Tout d’abord il fut décidé qu’en territoire civil les indigènes se trouveraient soumis aux juridictions de droit commun : justices de paix, tribunaux correctionnels, cours d’assises avec jury. Kabyles et Arabes furent ainsi jugés par les mêmes juges avec les mêmes formes, les mêmes pénalités que les habitans des départemens français. Il n’y eut qu’une exception à cette règle : les pouvoirs disciplinaires confiés aux administrateurs dans les communes mixtes par la loi de 1881 qui autorise ces derniers à appliquer pour les infractions mentionnées dans le Code spécial de l’indigénat des pénalités pouvant aller jusqu’à cinq jours de prison et quinze francs d’amende.

Au civil seulement a été conservée une magistrature indigène : les cadis, mais dont on n’a cessé de restreindre la compétence. Tout d’abord les appels ont été réservés aux tribunaux français, et les mahakmas ou tribunaux de cadis ont dû se borner à ne plus connaître qu’en première instance des affaires litigieuses entre musulmans ; encore est-ce seulement dans le cas où les parties ne sont pas d’accord pour aller devant les tribunaux français. Jadis les cadis remplissaient en outre les fonctions d’officiers ministériels, dressaient en cette qualité les actes de mariage et de divorce, les contrats de vente ou de partage. Mais en 1886, on a réduit au strict minimum leurs attributions judiciaires. Aujourd’hui ils ne prononcent plus que sur les contestations relatives au statut personnel et aux droits successoraux ;