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entre eux aucun lien et d’en faire des unités semblables à nos quatre-vingt-six départemens de France. Si l’on ne put aller jusque-là, du moins les vues nouvelles reçurent en grande partie leur application par le décret du 5 septembre 1881 qui rattacha les principaux services coloniaux aux services analogues de la métropole dépendant des divers ministères à Paris. On se plut en outre à croire qu’il serait possible, facile même de fondre l’élément indigène avec l’élément européen, c’est-à-dire de faire absorber le premier par le second de manière qu’il ne restât aucune différence dans les mœurs et dans les coutumes, soit extérieures, soit intimes, des deux populations. Beaucoup de bons esprits se laissèrent aller à cette manière de voir. Rien ne leur apparaissait plus aisé que d’appeler les indigènes à vivre avec nous de la même existence, en remplaçant par les nôtres leurs institutions administratives, judiciaires et civiles. On se flattait de supprimer ainsi les difficultés de toute nature résultant de la juxtaposition de deux sociétés différentes, de simplifier la tâche du législateur et des administrateurs, de rendre aux indigènes eux-mêmes un inappréciable service, en les faisant jouir d’une administration européenne. Les cadres de la société indigène furent donc brisés, et l’ancienne tribu dirigée par des caïds fit place à des fractions de tribus ou douars administrés par des cheiks. Et comme l’organisation de la commune de (plein exercice, qui exigeait pour son fonctionnement la présence d’un certain nombre d’Européens, ne pouvait convenir à cette multitude de douars épars sur toute la surface de l’Algérie et formés par une population exclusivement indigène, on créa une unité administrative nouvelle, la commune mixte, qui eut pour but de remplacer par l’administration civile celle des bureaux arabes. La commune mixte fut formée d’un certain nombre de douars au milieu desquels un personnel administratif européen vint s’installer. Chaque douar, ayant à sa tête un cheik, appelé adjoint ou président, posséda une petite autonomie communale ; au centre de la commune mixte, les cheiks formèrent la commission municipale, présidée par l’administrateur et soumise au contrôle du préfet. Les communes mixtes eurent un budget propre et leurs cheiks votèrent les dépenses et les recettes de la commune. L’administrateur fut à la fois le chef de la municipalité et l’agent gouvernemental chargé de la police politique. Assisté de ses adjoints, il dut vivre au milieu de ses administrés,