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communaux portés à ce moment pour 19 396 hectares, que 4 055 hectares utilisables pour une population qui est passée de 1 135 personnes en 1867 à 1 429 en 1901. La majeure partie des terres de Tiffilès avaient été achetées par des spéculateurs européens avant même que les commissaires de la loi de 1873 eussent pénétré sur le territoire. Ne pouvant maintenir sur des parcours réduits et entourés de fermes européennes le cheptel du douar, ni, à plus forte raison, le développer dans la mesure des besoins croissans, les plus laborieux des indigènes de Tiffilès, transformés par la nécessité, se sont faits laboureurs dans les fermes, un grand nombre ont quitté le douar et sont allés à Bel-Abbès, ou dans les villes, chercher des moyens d’existence incertains. La population indigène a été déracinée.

Non plus enviable d’ailleurs est l’état de la presque totalité des indigènes qui sont restés fixés au sol. Logés dans des cabanes construites avec des roseaux fragiles, exposés presque sans défense aux intempéries des saisons, vêtus d’un burnous troué, quand ils en ont un, ou d’une gandoura ou chemise en lambeaux, se nourrissant, les jours de fête, d’une grossière galette d’orge pilée dont le chien d’un Européen ne voudrait pas, et, les jours ordinaires, d’herbes et de fruits des champs, tel est le sort navrant réservé aujourd’hui à ces victimes de la misère physiologique et du dénuement économique. Que ce soit en pays arabe, en pays kabyle ou en pays de colonisation, l’état économique précaire de la généralité des indigènes est indéniable. Suivant les points, la nature des ressources dont vivent les indigènes peut varier, leur quantité varie peu et elle est partout strictement mesurée. En Kabylie notamment, le point limite de la productivité du sol paraît atteint, à tel point que d’aucuns ne voient d’autre moyen de diminution de la misère que la diminution même de la population.


ROUIRE.