Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


I

« L’œuvre de la séduction de Marie-Louise, — dit-il, — entreprise par le général Neipperg, armé de tous les pouvoirs et de tous les encouragemens du gouvernement autrichien pour en arriver à ses fins, a quelque chose de plus cynique et de plus odieux que la chute de l’innocente Marguerite provoquée par le satanique docteur Faust. » On sait dans quelles circonstances Neipperg fut donné comme mentor à la princesse. Le 11 avril 1814, le jour même de la signature du traité qui reconnaissait à l’Empereur la souveraineté de l’île d’Elbe, le docteur Corvisart prescrivait à Marie-Louise de faire une saison aux eaux d’Aix en Savoie. La souveraine, qui était alors à Orléans, se vit interdire le séjour de l’île d’Elbe, dont le climat serait fatal, disait-on, à sa santé et à celle du roi de Rome. Après l’entrevue de Rambouillet avec l’empereur François, Marie-Louise partit pour Vienne où elle devait attendre le retour de son père. Le 15 juin, elle obtint de lui l’autorisation d’aller à Aix. L’Impératrice laissait son fils à Schœnbrunn sous la garde de la comtesse de Montesquiou et quittait Vienne le 6 juillet, accompagnée de Mme de Brignole et de Méneval. Elle voyagea sous le nom de duchesse de Colorno[1], et prit comme itinéraire, — selon la remarque de M. Frédéric Masson, — « les résidences d’exil des Bonaparte : » Munich où elle vit Eugène de Beauharnais et la princesse de Bavière, Baden où elle rencontra Louis Bonaparte, Payerne où elle trouva Joseph qui l’emmena dans sa maison de campagne d’Allaman, située à quatre lieues de Lausanne. L’Impératrice arriva à Chamonix le 11 juillet au soir et voulut monter le lendemain aux Bossons et à la Mer de Glace. Ce ne fut que le 17 juillet, à six heures du soir, qu’elle toucha au terme de son voyage.

Le général Neipperg, qui commandait auparavant une division à Pavie, avait été désigné par le gouvernement autrichien pour surveiller l’archiduchesse. Il se porta au-devant d’elle le 17 juillet à Carrouge et l’escorta à cheval jusqu’à Aix. Méneval, témoin de cette rencontre, écrit dans ses Souvenirs que la vue de Neipperg causa à la princesse « une impression désagréable qu’elle ne dissimula pas. » Ce n’était pas la première fois qu’elle l’apercevait. Neipperg, qui faisait partie de l’ambassade extraordinaire de Schwarzenberg,

  1. Colorno est un château des environs de Parme.