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connais mon tendre attachement pour Elle ; il a redoublé depuis que je la vois dans un chemin qui la mène à sa perte... Elle est entourée d’écueils, — et sa jeunesse et son inexpérience ont tant besoin d’un guide et d’un protecteur ! »

L’Impératrice traversa avec sa caravane les petits cantons suisses. Le 25 septembre, elle s’embarquait sur le lac des Quatre-Cantons et s’arrêtait devant les ruines du château des Habsbourg. Le galant Neipperg, ayant ramassé un morceau de fer, prétendit que c’était un fragment de la lance du fondateur de la dynastie. Les voyageurs passèrent la nuit du 25 au 26 au Righi, à l’auberge du Soleil d’Or. C’est alors que Méneval fut douloureusement éclairé sur la conduite de l’Impératrice. En arrivant à Schwytz, il lui avait demandé l’autorisation de la devancer à Vienne, alléguant qu’il attendait des lettres pressées. Ce n’était qu’un prétexte. En réalité, l’intimité de Neipperg et de Marie-Louise l’avait étrangement choqué. A l’auberge du Righi, le valet de pied de service, qui devait coucher en travers de la porte de la souveraine, avait été éloigné. Les personnes de la suite furent très surprises de cette dérogation à l’usage, qui pouvait cependant s’expliquer par la disposition des pièces : la chambre qu’occupait l’Impératrice n’avait qu’une issue sur le corridor, et il eût été gênant pour elle d’être gardée de la sorte. Mais voici un renseignement qui aggrave le cas. « En causant de cela chez Mme de Brignole, — écrit Méneval, — je déployai machinalement une carte de Suisse qui était sur la table, lorsqu’il en tomba un billet fermé que je m’empressai de ramasser. En le rendant à Mme de Brignole, je reconnus l’écriture de l’Impératrice sur le billet qui était adressé au général Neipperg[1]. » Que signifiait cette correspondance secrète ? Méneval, « n’ayant même pas le droit de remontrance, » résolut de partir tout de suite pour Schœnbrunn. Il y arriva trois jours avant Marie-Louise, qui rentra le 7 octobre au matin. Neipperg fut récompensé de son zèle comme il le méritait : il fut nommé, pour la durée du Congrès, chambellan de la duchesse de Parme.


II

C’est le titre que l’on donnera désormais à Marie-Louise. Cependant l’octroi de ce duché n’allait pas sans difficultés. Louis XVIII et Ferdinand VII faisaient opposition. Talleyrand s’ingéniait à contrecarrer

  1. Extrait d’une note manuscrite et inédite trouvée dans les papiers de Méneval.