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pour l’affaire du Haut-Nil, admettait, comme on l’avait fait au cours des négociations, le principe d’une contre-réclama lion française : il reconnaissait qu’il était impossible d’établir, sur un fait d’occupation précaire ou sur des arrangemens passés avec des tiers, un droit quelconque excluant d’autres droits : « La question restait ouverte au débat[1]. »

Cette explication si nette entre les deux gouvernemens ne resta pas renfermée dans le silence du cabinet. Les paroles de lord Kimberley furent confirmées, immédiatement, dans une dépêche adressée à lord Dufferin, le 1er avril 1895, et publiée au Livre Bleu (appendice n° 4). Sir Edward Grey envoya aux journaux une rectification s’inspirant de l’attitude prise par lord Kimberley. Et enfin, le 5 avril 1895, répondant à M. de Lamarzelle qui l’interpellait au Sénat, le ministre des Affaires étrangères français prit acte de cette position adoptée par le gouvernement anglais. Tant au point de vue de l’Egypte qu’au point de vue du Soudan, il rappelait la thèse de l’équilibre oriental garanti par les traités ; et il concluait par ces paroles qui, conformément aux déclarations de lord Kimberley, établissaient la nécessité d’une négociation nouvelle pour déterminer le sort de ces contrées : « Quand l’heure sera venue de fixer les destinées définitives de ces contrées lointaines, je suis de ceux qui pensent, qu’en assurant le respect des droits du Sultan et du Khédive, en réservant à chacun ce qui lui appartiendra selon ses œuvres, deux grandes nations sauront trouver les formules propres à concilier leurs intérêts et à satisfaire leurs communes aspirations vers la civilisation et le progrès. »

La politique française était donc exposée loyalement aux yeux de l’Angleterre, après entente entre les deux Cabinets. L’ensemble de l’incident, les actes, les paroles échangées établissent clairement la bonne foi de la France.

La lettre de M. de Courcel relue et approuvée par lord

  1. Dans un compte rendu de cet entretien, adressé, à lord Dufferin, le 1er avril 1895, et publié, beaucoup plus tard, au Livre Bleu d’octobre 1898, on trouve une certaine atténuation des paroles de lord Kimberley. Mais ce texte ne peut prévaloir, au point de vue français, contre le compte rendu contrôlé de M. de Courcel. D’ailleurs, sur le fond, il y a accord : « Le baron de Courcel me dit qu’il ne pouvait considérer la déclaration faite à la Chambre des communes comme équivalente à une prise de possession de tout le bassin du Nil. Je répliquai que je ne pensais pas que le rappel des titres à une sphère d’influence que nous avions déjà fait connaître au gouvernement français pût être considéré comme une « prise de possession. »