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ce prolongement excessif de la journée de travail que nous avons constaté tout à l’heure. Nous allons au reste nous trouver en présence des mêmes chiffres, si nous cherchons le gain annuel. 366 ont donné des renseignemens sur leur gain annuel. 52 gagnaient moins de 200 fr. ; 88, de 200 à 300 fr. ; 81, de 300 à 400 fr. ; 75, de 400 à 500 ; 45, de 500 à 600 ; 17, de 6 à 700 ; 12, de 700 à 800 ; 12 également, de 800 à 900 ; 14, de 900 à 1 000 et au-dessus.

Ce sont là des chiffres assurément douloureux, mais dont il ne faut pas cependant tirer des conclusions précipitées en disant que toutes les ouvrières qui gagnent moins de 600 francs par an meurent de faim. Il faut se rappeler qu’un grand nombre de ces ouvrières sont mariées, et que leur salaire n’est qu’un salaire d’appoint. Sur 540, nous l’avons vu, 253 étaient dans cette situation. L’enquête a également constaté que, pour un certain nombre d’ouvrières, la lingerie n’est pas la seule occupation. Quelques-unes sont concierges, d’autres femmes de ménage, et ne consacrent à la lingerie qu’un certain nombre d’heures par jour. D’après l’enquête leur nombre s’élevait à 101, soit, en joignant les deux catégories, 354 ouvrières ne vivant pas exclusivement de leur travail de lingerie.

Pour les 186 restant, veuves ou célibataires, dont les gains, sauf de très rares exceptions, ne dépassent pas 600 et oscillent entre 400 et 600, il faut convenir que la vie doit être singulièrement dure, et quand, par-dessus le marché, elles sont chargées d’enfans, on ose à peine sonder les abîmes de misère en présence desquels on se trouve. Ce sont celles-là qui ne peuvent vivre qu’au prix d’efforts de travail surhumains et de quelle vie ! L’enquête nous l’apprend. « Quand on a fait une bêtise, il faut la payer jusqu’au bout, » dit l’une, célibataire, qui travaille quinze heures par jour pour sa nourriture et celle de son enfant. Une autre n’a jamais fait de bêtise, sauf celle de s’établir entrepreneuse. Elle y a perdu de l’argent. Elle est devenue veuve ; elle travaille de dix à douze heures par jour pour un salaire de 1 fr. 25. Aussi vit-elle dans un galetas et, pour toute nourriture, doit-elle se contenter d’une soupe qu’elle se fait avec 0 fr. 25 de viande et 0 fr. 10 de pommes de terre ; cette soupe la nourrit toute la journée. Une autre, veuve avec une fille de onze ans, travaille dix-sept heures par jour pour 1 fr. 75 ; sa nourriture et celle de sa fille lui coûtent 0 fr. 95 par jour. Aussi ne