d’emprisonnement. En matière de pénalité, les députés socialistes ne badinent pas, comme on voit, au moins lorsqu’il s’agit de patrons.
Rendons cependant justice aux signataires de ce projet. Ils paraissent s’être surtout proposé de faire une manifestation, et après avoir déposé leur projet, ils le laissent dormir dans les cartons de la Commission du travail. Aussi nous permettra-t-on de ne pas nous attarder à discuter cette conception singulière qui consisterait à ériger en juges souverains et arbitraires de la vie économique du pays, des corps exclusivement politiques et de ne pas attacher à cette proposition plus d’importance que ses auteurs ne paraissent en attacher eux-mêmes.
La question se présenterait sous un autre aspect si, avant la fin de cette législature, le Parlement était saisi d’un projet de loi qui, s’inspirant des dispositions du bill anglais, limiterait l’expérience à une seule industrie, par exemple à celle de la lingerie sur laquelle on peut dire que la lumière est faite, et créerait dans cette industrie des conseils de salaires composés de patrons et d’ouvriers, ou plutôt, dans l’espèce, d’ouvrières qui auraient le pouvoir d’établir par région un minimum de salaire, à la journée ou aux pièces, contradictoirement débattu. Ce que tente un parlement comme le Parlement anglais peut être contredit, désapprouvé, combattu, mais vaut cependant l’honneur d’une discussion sérieuse. La question du minimum de salaires est si grosse, si complexe, elle peut être envisagée sous tant d’aspects différens, que nous ne saurions entreprendre de l’examiner à la fin d’une étude déjà trop longue. Aussi nous bornerons-nous à deux objections, l’une d’ordre plutôt théorique, l’autre d’ordre pratique, qui méritent, croyons-nous, d’attirer l’attention des partisans de ce remède nouveau à des souffrances malheureusement trop réelles et trop anciennes.
L’objection d’ordre théorique est celle-ci : Qu’est-ce que le salaire minimum ? C’est le salaire nécessaire à l’ouvrier ou à l’ouvrière pour se nourrir, s’habiller, se loger d’une façon décente. Nourriture, vêtement, loyer : telle est la triple nécessité à laquelle le salaire doit pourvoir. Mais si, le taux du salaire étant invariablement fixé par la loi, le prix de la nourriture, du vêtement, du loyer peut au contraire varier, le salaire minimum deviendra insuffisant pour peu que le prix des denrées alimentaires, des vêtemens ou du loyer augmente, car ce qu’on appelle, croyons-nous, dans la langue économique le pouvoir d’achat du