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Colchester, dont les grises maisons ont été chantées par W. Morris ; sur le marché de Chelmsford, au centre des terres à blé, partout, journaliers agricoles et fermiers intelligens ont prôné le morcellement des exploitations rurales. Au mois de novembre 1908, un jeune radical vient, dans ce milieu en apparence favorable, justifier le socialisme agraire de son parti. Il a pour concurrent un landlord qui défend avec âpreté ses droits et ses intérêts. Il a diminué les salaires de ses journaliers. Il empêche, dit-on, ses tenanciers de fabriquer leur bière.

Le gros propriétaire n’en sort pas moins vainqueur de la lutte. Les radicaux, partisans des small holdings, perdent 874 voix. Les conservateurs, adversaires du socialisme agraire, gagnent 1 237 votes. Leur majorité atteint le chiffre de 2 565. Elle n’était que de 454 bulletins, en 1906. Et, au cours de la période électorale, pour bien montrer l’ardeur de leurs sentimens, des jeunes hommes, trop fidèles aux goûts batailleurs de leur race saxonne, des employés et des commis, envahissent les meetings radicaux, lancent des pétards, jouent de la trompe, déchirent les affiches et rossent les conférenciers.

Si la circonscription rurale de Chelmsford a toujours, depuis 1885, élu un député unioniste, la cité industrielle de Pudsey, jusqu’en 1908, était toujours restée fidèle au radicalisme démocratique. Le Yorkshire sportif est aussi saxon que l’Essex batailleur. Dans les deux contrées, les terres à blé, toutes pleines de souvenirs historiques, sont rapidement rongées là par la marche incessante de la capitale, assoiffée de terre et de lumière, ici par le district industriel du West Riding, auquel les vallées montagneuses ne suffisent plus pour abriter ses usines, ses tissages et ses forges. Du haut des collines, qui, au Nord de la cathédrale de York, agenouillée dans sa robe grise, au milieu de la prairie fertile, — du haut des collines, encerclées entre les deux vallées où courent la Nidd et l’Ure, le spectacle est saisissant. Tout près, au pied du repli de terrain, sur les bords de la voie romaine, s’étend la « prairie sanglante, » bordée de haies d’églantiers roses et blancs, où, en 1461, se livra entre Edouard VI d’York et Henri II de Lancastre l’une des batailles les plus sanglantes dont fasse mention l’histoire anglaise. Partout, des bourgs historiques : Knaresborough avec les eaux minérales d’Harrogate, Ripon avec son tertre funéraire et sa cathédrale originale, Fountains Abbey avec ses cloîtres en