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mesure et juste ! La Ville de Paris, l’année dernière, avait refusé de prêter, à l’exécution d’une telle œuvre, le concours des écoliers de ses écoles. Même en musique, elle ne laisse plus venir à Jésus les petits enfans. D’autres autorités, — extra-municipales sans doute, (Groupes de l’enseignement moderne), — ont eu cette fois-ci moins de scrupules. Il paraît seulement qu’un certain nombre de familles, soixante ou quatre-vingts environ, se voyant à la veille de « violer la neutralité ( ! ) scolaire, » ont retiré prudemment l’autorisation qu’elles avaient accordée à leurs enfans. Turba ruit, ou ruunt, in servitutem.


L’histoire de Monna Vanna, vous le savez, est presque celle de Judith, mais d’une Judith italienne et, de plus, mariée. Or, si la distance, ou la différence, de Pise à Béthulie n’importe guère, celle de la veuve à l’épouse, — j’en appelle à tous les époux, — est fort à considérer. Elle fait même le principal intérêt, sinon l’intérêt unique, et d’ailleurs très vif, de la belle tragédie de M. Maeterlinck. Oui, c’est bien ici une tragédie. On y trouve les trois unités, ou peu s’en faut : d’abord unité de lieu, le camp et la tente de Prinzivalle touchant aux remparts de Pise qu’il assiège ; unité de temps aussi, l’action tenant en vingt-quatre heures environ, dont les plus importantes sont les heures de nuit ; enfin cette action même est une, sans compter qu’elle est tout intérieure et ne consiste guère (tragique essentiellement par là) que dans une rencontre, dans un conflit de sentimens ou de devoirs contraires.

On connaît le sujet, ou le « cas, » et comment la question est ici posée, et résolue, entre l’amour conjugal et l’amour de la patrie. Investie depuis des mois, à bout de forces et de vivres, Pise va tomber entre les mains de Prinzivalle, un condottiere au service de Florence. Guido Colonna, le commandant de la place, envoie Marco, son père, auprès du vainqueur, pour traiter. Or voici le vieillard qui revient, et qui revient ravi. « Ce Prinzivalle, » répond-il à peu près à ses concitoyens, qui l’interrogent avec angoisse, « ce Prinzivalle est un homme charmant. Il m’a fait le plus gracieux accueil. Un Barbare, disait-on ! C’est un artiste, un lettré. Il avait lu mes écrits. Savez-vous qui j’ai rencontré sous sa tente ? Marsile Ficin en personne, que depuis si longtemps je rêvais de connaître. Nous avons parlé d’Hésiode et d’Homère, d’Aristote et de Platon. En outre, Prinzivalle a fait pratiquer des fouilles en mon honneur. A nous deux, nous avons découvert, dans un bois d’oliviers, près de la mer, un torse de déesse.