tournées, définissaient leurs « plates-formes ; » sir Wilfrid, sollicité de tous côtés, limitait ses acceptations, pour les provinces de l’Est, à une douzaine de villes ; M. Borden, le chef de l’opposition, partait dès la fin d’août pour les provinces maritimes, où il allait prononcer son premier discours ; partout s’assemblaient des « nominating conventions, » auxquelles appartient l’usage traditionnel de désigner les candidats aux électeurs. En raison du progrès de la population canadienne, le nombre des députés était porté à 221, au lieu de 214 dans la Chambre précédente ; la représentation de Québec, toujours fixée à 65 députés, reste le régulateur d’après lequel les autres provinces arrêtent le nombre de leurs mandataires, au prorata de leur population. La période électorale dura trois mois, août, septembre et octobre ; les élections générales ont eu lieu le lundi 26 octobre : sir Wilfrid Laurier l’emporta sur ses adversaires de beaucoup, mais avec une majorité légèrement diminuée.
Pourquoi cette dissolution ? Le procédé, qui n’a rien d’anormal en Canada, pas plus qu’en Angleterre, épargne au pays le spectacle peu glorieux des testamens législatifs ; il abrège utilement cette période finale, qui a toujours quelque chose de la fièvre et de l’incohérence des agonies. Pour sir Wilfrid, il était nécessaire de donner un coup de fouet à sa majorité, amortie par un trop long exercice du pouvoir ; elle souffrait visiblement, si l’on peut ainsi dire, d’anémie et d’indigestion, privée de ces résistances contre lesquelles s’entretient la fraîcheur de l’énergie, gâtée par cette prospérité ambiante qui se traduit chez les individus par plus d’aisance, plus de bonne chère, et quelque ralentissement de la volonté. Sir Wilfrid est le chef des libéraux, il est premier ministre du Dominion depuis 1896, ses adversaires politiques, constamment vaincus depuis douze ans, s’intitulent conservateurs, mais le spectateur impartial est fort embarrassé pour discerner, entre ces deux partis, des différences de programme substantielles ; des questions de personnes ont ainsi passé au premier plan.
Les Canadiens, Anglais comme Français, sont fiers de leur Premier, et vraiment ils n’ont pas tort. La physionomie de sir Wilfrid Laurier est populaire aujourd’hui dans tout l’Empire, et même en France ; descendant d’une famille saintongeoise, compatriote par-là du fondateur Champlain, le premier ministre est un homme de belle taille, dont la démarche et la tenue,