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2° Répartition de nos flottes.

Naguère la Méditerranée était le champ clos vers lequel toutes les nations, possédant une marine de guerre, avaient leur attention tendue. Pour l’Italie, l’Autriche, l’Espagne, il n’était guère possible qu’il en fût autrement. Les Russes avaient une importante station navale dans les mers du Levant. Les Américains, malgré le petit nombre de leurs navires à cette époque, entretenaient toujours une ou deux divisions dans la Méditerranée.

Pour la France, il était naturel qu’elle attachât une importance particulière à la sécurité de ses communications avec l’Algérie et la Tunisie.

Pour l’Angleterre, elle avait rassemblé dans la Méditerranée le meilleur de ses forces. Les ressources qu’elle trouvait à Gibraltar, à Malte, dans l’île de Chypre et en Egypte lui permettaient de le faire sans éloigner ses navires de bases solides, et en le faisant, elle réalisait un double avantage : d’une part, elle assurait d’une façon complète ses relations avec son Empire des Indes ; de l’autre, en accroissant artificiellement, par la présence de ses flottes, l’importance que les autres nations maritimes accordaient spontanément à la Méditerranée, elle imposait à ses ennemis possibles le champ de lutte qu’elle avait, patiemment et de longue date, approprié à ses besoins, loin de ses côtes métropolitaines. En cas d’échec, toujours possible, de sa flotte méditerranéenne, l’ennemi victorieux ne se serait trouvé qu’en face de Malte ou de Gibraltar où il eût récolté plus de coups que de profits. Et pendant ce temps, la nation anglaise, nullement troublée dans sa vie coutumière par cet événement lointain, aurait préparé les moyens de réparer cet insuccès.

On mesure aisément l’intérêt qu’avait l’Angleterre à conserver à la Méditerranée sa situation de centre des forces maritimes, en imaginant quelles conséquences différentes aurait entraînées l’échec supposé de la flotte anglaise s’il avait eu l’Atlantique, la Manche, ou la mer du Nord pour théâtre. L’ennemi, même alors qu’il n’eût été que momentanément victorieux, se serait trouvé du même coup à l’embouchure de la Tamise, aux portes de Londres. Ouvrons ici une parenthèse pour établir un point de stratégie navale qui nous servira dans la suite de cette étude.

Jusqu’à ces dernières années, la France ne possédait, dans la