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l’Atlantique et des flottes allemandes dans la mer du Nord, le centre des forces maritimes du monde se retirait de la Méditerranée pour se reporter plus vers le Nord.

L’Angleterre, dont l’admirable sens pratique est guidé par l’étude la plus avisée des choses de la mer, n’a pas tardé à se rendre compte des conséquences que ce déplacement du centre maritime devait entraîner pour sa politique navale. Elle a résolument modifié la composition de ses escadres, et leur répartition stratégique, pour mettre sa marine dans la situation que comportait le nouvel état de choses. Malgré la position privilégiée qu’elle s’était assurée, loin des côtes métropolitaines, entre Malte et Gibraltar ; malgré les millions qu’elle avait dépensés sans compter pour aménager et fortifier ces deux bases navales, elle n’a pas hésité à faire passer ses intérêts méditerranéens au second plan de ses préoccupations actuelles. Elle a bouleversé une organisation séculaire en concentrant dans l’Atlantique, dans la Manche et dans la mer du Nord la majeure partie de ses forces navales.

En même temps qu’elle fortifiait son établissement naval dans la mer du Nord en y créant un nouvel arsenal, elle accroissait le tonnage de ses cuirassés. Tout s’enchaîne : il faut à un cuirassé des soutes à charbon plus vastes pour affirmer sa puissance sur les immenses étendues de l’Atlantique que pour traverser le beau lac méditerranéen.

On comprend aisément que cette concentration de la marine anglaise dans l’Atlantique, dans la Manche et dans la mer du Nord, n’a fait qu’accentuer le déplacement du centre maritime du monde vers le Nord. Il en résulte, pour la France, une nécessité de plus en plus impérieuse de suivre le mouvement qui entraîne les plus puissantes marines en dehors de la Méditerranée. A quoi nous servira-t-il d’être forts sur cette mer si nous y sommes seuls ? Là où sont les ennemis probables, là doivent se transporter les escadres, et là aussi doivent être préparées les bases navales. Car c’est là que se livreront les futurs combats.

On a dit que la marine française était tombée du second rang au quatrième. Nous ne discuterons pas cette affirmation. Nous ferons seulement remarquer que, dans les calculs qui servent à établir ces sortes d’estimations, il n’est fait état que du tonnage des bâtimens, ou des qualités de leur cuirasse, ou du nombre de