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Mais maintenant, ô jours de honte et d’imposture,
Des manans sortis des ruisseaux
Voudraient te dépouiller de ta fière parure,
Et mettre ta coque en morceaux.
Ils brûleraient tes mâts, ils prendraient tes cordages
Pour étrangler héros et sages ;
Dans le sale fumier des haines et des peurs
Ils iraient traîner ta bannière ;
Ta carcasse en débris serait la cantinière
Des truands changés en viveurs !…

N’as-tu donc pas de fils où revit ta pensée,
D’élite où brille ton salut ?
Lorsque les courtisans de la foule insensée
T’arrachent au Dieu qui t’élut,
Lève les yeux, et vois les astres, les génies
Qui pleurent sur tes agonies.
Ton passé rayonnant te dicte encore ta foi,
Ta mission est sans rivale.
Ton Archétype, ô France, est la nef idéale
Qui dans ton ciel fuit devant toi.

Hermès arma ses flancs et le Christ la dirige…
Mais ce n’est plus le Christ romain ;
C’est celui qui de l’âme entr’ouvrit le prodige
Pour affranchir le genre humain ;
Et pour que la sagesse antique la conduise,
Isis à sa poupe est assise,
Lucifer à sa proue élève son flambeau
Et vers le firmament l’éploie,
Où le signe du Christ sur l’Océan flamboie
Ayant des roses pour halo.

Souviens-toi, fier vaisseau, de tes divins messages,
Et des héros du temps jadis ;
Ne livre pas ton gouvernail et tes cordages
A d’aveugles et vils bandits.
Regarde à l’horizon l’Acropole qui trône,
Ne cingle pas vers Babylone…