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Apportèrent en Gaule une mince nacelle
Pas plus grande qu’une hirondelle.
Or l’amulette était en ivoire et d’or pur,
Et Dieux inconnus, frêle groupe,
Un enfant à la proue, une femme à la poupe,
Portaient un bijou, lys d’azur.

Un vieillard dit : « Voici la barque sibylline,
Qui porte la Vie et sa Fleur :
L’Ame du Monde, Isis, la Sagesse divine
Et son Fils, le Héros vainqueur.
Le Fils ne peut grandir que sous l’œil de sa mère ;
Veillez sur ce double mystère !… »
Le druide plaça l’arcane redouté
Dans un temple au bord de la Seine,
Où, plus tard, se dressa Notre-Dame, la reine
De l’immense et fière cité.

Et la barque devint le vaisseau de la France.
Avec ses croisés, à grands cris,
Le navire emporté comme d’un souffle immense
Partit pour le tombeau du Christ,
Et de Grèce en Turquie et d’Afrique en Judée
Courut trois siècles sa bordée.
Alors, pour célébrer son glorieux retour,
De ville en ville, comme cierges,
On vit jaillir les cathédrales, blanches vierges,
Lys de la foi, roses d’amour.

Où ne t’ont pas conduit tes hardis capitaines
Du pôle au brûlant équateur ?
Tu semas des lauriers et tu brisas des chaînes
En glissant sur le flot chanteur.
L’incendie à ton bord, le spectre du naufrage
Ne purent briser ton courage.
Quand des rives, où tu laissas tes légions
Tu rapportais palmes, couronnes,
Ton pavillon faisait naître tours et colonnes,
Temples des Muses, panthéons.