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Cette lettre est de la fin de janvier 1793. Le billet du 27 août suivant, que nous avons reproduit, prouve qu’à cette date, elle ne voyait plus « ces riens qui n’étaient pas de son goût, » ou que, tout au moins, elle en avait pris son parti. Ils ne l’avaient pas empêchée de se promettre « absolument » dès le 15 février. En le mandant à sa mère, elle exprimait son étonnement : « Il me semble incroyable que ce soit moi. Moi qui, il y a aujourd’hui un an, étais au bal masqué et me doutais aussi peu de ce qui m’arriverait dans un an, que je me doutais savoir voler un jour. C’est une singulière comparaison, mais c’est, en vérité, vrai… »

On doit bien supposer qu’au cours de ces événemens intimes, les conseils de sa mère n’avaient pas manqué à la future grande-duchesse. Les trop rares lettres de la margrave Amélie à sa fille en contiennent d’admirables, propres à nous convaincre que si les sœurs d’Elisabeth en ont profité comme elle, elles durent être, elles aussi, des femmes remarquables. L’une des deux aînées, Caroline, fut reine de Bavière, et la cadette de Louise, la princesse Frédérique, venue avec elle à Saint-Pétersbourg d’où elle repartit, après les fiançailles de sa sœur, pour rentrer dans sa famille, épousa plus tard le roi de Suède, Gustave IV. La maison de Bade eut toujours le bonheur d’établir avantageusement ses filles.

Cependant, le moment approchait où celle qu’on destinait au grand-duc Alexandre devait lui être officiellement fiancée. Cette cérémonie était fixée au 10 mai, et la profession de foi de la future, au 9. L’avant-veille de ce jour, princesse Louise pour quarante-huit heures encore, elle écrit à sa mère que le grand-duc l’a embrassée pour la première fois, le dimanche précédent, dimanche de Pâques. Elle raconte longuement comment cela s’est fait. L’Impératrice l’avait permis ; mais il n’osait pas. L’intervention de la comtesse Schouvaloff lui a donné l’audace nécessaire et il a embrassé la princesse sur les deux joues. Le lendemain, à souper, il lui a dit qu’en quittant la table et pendant le court moment où ils seraient seuls, il recommencerait. Mais elle a exigé qu’il se fît d’abord autoriser par la comtesse. Celle-ci a répondu que certainement, il pouvait le faire ; de nouveaux baisers ont été échangés : « A présent, je crois qu’il le fera toujours. Vous ne sauriez vous imaginer comme cela m’a paru drôle d’embrasser un homme qui n’est ni mon père, ni