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irréfléchies, résultant de rancunes contenues depuis 1866.

En rentrant à son ministère, il expédie les deux dépêchés convenues avec l’Empereur, à Mercier et à Lesourd. Il disait à Mercier : « Cette intrigue ourdie par Prim et la Prusse contre la France doit être combattue avec efficacité et, pour y parvenir, il faut autant de tact, de prudence, de réserve, que d’adresse et d’énergie. Agissez sur la presse et par vos amis sans vous compromettre. Le prince de Hohenzollern est petit-fils d’une Murat. Exploitez la date du 2 mai. Ne montrez pas de dépit, mais marquez de la défiance en protestant de votre respect pour la volonté du peuple espagnol. » A Lesourd, il télégraphiait : « Nous apprenons qu’une députation envoyée par le maréchal Prim a offert la couronne d’Espagne au prince de Hohenzollern, qui l’a acceptée. Nous ne considérons pas cette candidature comme sérieuse, et croyons que la nation espagnole la repoussera. Mais nous ne pouvons voir sans quelque surprise un prince prussien chercher à s’asseoir sur le trône d’Espagne. Nous aimerions à croire que le Cabinet de Berlin est étranger à cette intrigue ; dans le cas contraire, sa conduite nous suggérerait des réflexions d’un ordre trop délicat pour que je vous les indique dans un télégramme. Je n’hésite pas toutefois à vous dire que l’impression est mauvaise, et je vous invite à vous expliquer dans ce sens. J’attends les détails que vous serez en mesure de me donner sur ce regrettable incident (3 juillet). »

Le lendemain matin 4, Gramont vit l’ambassadeur d’Espagne et lui communiqua la nouvelle que Mercier avait annoncée dans la nuit. L’attitude stupéfaite d’Olozaga, plus encore que ses protestations, démontra qu’il l’ignorait. Il se plaignit amèrement qu’une négociation aussi grave eût pu être conduite sans qu’il en fût même informé, et il avoua au ministre des Affaires étrangères qu’il était dans l’impossibilité de fournir aucune explication sur un fait qu’il ne connaissait que par ce qu’il venait de lui révéler. Gramont renouvela à Olozaga les protestations faites par Mercier à Prim et le chargea de les répéter sans retard à son gouvernement. Le même jour, il se rendit auprès de Werther, qui partait pour Ems. Il le pria d’informer le Roi que la France ne tolérerait pas l’établissement du prince de Hohenzollern ni d’aucun autre prince prussien sur le trône d’Espagne. Il le conjura de faire tous ses efforts pour obtenir que Sa Majesté engageât son parent à refuser la couronne d’Espagne.