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familiale, ainsi constituée, inaliénable pour ses possesseurs et entraverait ainsi le mouvement d’acquisition des terres par les Européens ; mais cet argument n’est pas fondé en l’espèce, car le propriétaire, quoique insaisissable dans son homestead, n’en serait pas moins libre d’aliéner de gré à gré, si l’on jugeait que cette aliénation est avantageuse à l’ensemble de la société.

Enfin, pour compléter la série des mesures destinées à ne pas diminuer les ressources que les indigènes peuvent retirer de la terre, il est bon d’abolir le régime forestier inauguré par l’application à l’Algérie de notre code de 1827. Ce régime, qui fait supporter à la collectivité des dommages résultant des incendies causés par la faute de quelques-uns, est inique puisqu’il inflige à toute une population des souffrances imméritées. On l’a bien compris dans ces derniers temps, puisque, le 21 février 1903, a été promulgué un nouveau code dans lequel on s’est efforcé de tenir plus de compte des mœurs des indigènes, ainsi que de l’industrie pastorale. Ce code attribue de préférence aux groupes européens ou indigènes riverains des forêts la location des pâturages, permet au gouverneur d’autoriser le parcours des moutons dans certaines forêts, réduit les restrictions apportées à la construction d’habitations et d’établissemens industriels près des terrains forestiers, et permet aux propriétaires de défricher, moyennant certaines garanties, les broussailles comprises dans les périmètres forestiers. Malheureusement, ce code laisse encore subsister, en cas d’incendie, la responsabilité collective des douars et l’interdiction, pendant six ans, aux usagers, du droit de pacage dans les forêts.

Ne pas déposséder les indigènes de leurs terres, c’est bien ; mais on ne doit pas davantage les dépouiller de leur argent. En matière d’impôts, le fisc devrait leur prendre le moins possible, car tout prélèvement chez ce peuple dénué de capitaux porte sur le nécessaire, et non pas sur le superflu. Qui pourrait avancer qu’il en est ainsi aujourd’hui ? Sous le nom d’impôts arabes, les indigènes payent l’achour ou dixième du produit net de la récolte, le zekkat ou dîme sur le bétail, le hokkor, sorte de rente foncière due à l’Etat, la lezma, taxe prélevée sur les palmiers, la capitation en Kabylie prélevée sur les habitans mâles adultes. L’unité imposable pour, l’achour et le hokkor est la charrue : c’est la superficie que peut labourer en trois journées une charrue attelée d’une paire de bœufs, soit en moyenne