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Senoussis, possède sur sa propriété de l’Hillil le matériel agricole le plus complet et a pour chef de culture un Français.

Il ne faut point croire que ces innovations soient uniquement le fait de la classe riche. La masse tend à s’assimiler de plus en plus nos moyens de travailler la terre. En 1904, on recensait 29 757 charrues françaises pour 26 885 l’année précédente, et cette progression s’appliquait également aux faucheuses, aux herses et semoirs mécaniques, aux moyens de transport des récoltes et à la plupart des instrumens aratoires ou de culture.

En trois ans, dans la province d’Oran, 6 235 indigènes ont acheté 10 908 charrues européennes. L’usage de ces charrues s’est répandu jusqu’aux confins du désert, il en existe près d’un millier dans le Djebel-Amour. Il y a vingt ans, aucun indigène ne se servait de voiture ; ils faisaient encore tous leurs transports à des de chameau ou de cheval. Aujourd’hui, dans le seul arrondissement d’Oran, on en compte près de 400 qui sont imposés pour des carrioles, des breaks ou des charrettes. Le mouvement a donc un caractère général et s’étend à des couches de plus en plus profondes de la population.

Mêmes changemens dans l’industrie et le commerce. Les indigènes apprécient parfaitement l’utilité des machines à vapeur. On en trouve dans les trois provinces qui ont monté des usines pour fabriquer l’huile, moudre les céréales, tanner les peaux, scier le bois, manufacturer le tabac, posséder des tuileries et des minoteries à vapeur. On en voit qui achètent des automobiles. Les cas d’association commerciale entre Européens et indigènes ne sont plus rares. Nombreux sont les indigènes qui se sont assimilé nos mœurs commerciales. Leurs maisons fonctionnent à l’instar des nôtres ; une comptabilité régulière, dans les formes exigées par la loi, est tenue par des comptables européens ; enfin le chiffre d’affaires, importations et exportations, est considérable. Ces grands commerçans sont des quincailliers et des épiciers en gros, des marchands de céréales et de bétail, des marchands d’étoffe et des primeuristes.

Dans l’ordre intellectuel, le préjugé qui représente l’indigène comme rebelle à l’instruction française n’est pas plus fondé. Si nous comptons un nombre d’élèves musulmans qui n’est pas en rapport avec le chiffre de la population, c’est que jusqu’ici nous avons ouvert un nombre d’écoles tout à fait insuffisant.