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LA
LÉGISLATION FRANÇAISE DES ALIÉNÉS

Malgré des assauts nombreux et ardens, la vieille loi sur le régime des aliénés promulguée en France le 30 juin 1838 par Louis-Philippe tient toujours debout. Tiendra-t-elle encore longtemps ? Les coups qu’elle a reçus à la Chambre des députés ont été assez violens pour qu’il soit permis d’envisager la possibilité de sa prochaine disparition et de son remplacement par une loi nouvelle. D’autre part, la Commission du Sénat, chargée d’examiner le projet voté par la Chambre, poursuit activement ses travaux sous la présidence de M. Rolland. Le moment est donc venu de comparer la loi qui s’en va à la loi qui arrive.


I

La loi dont l’opinion publique ne veut plus a été en son temps jugée idéale. Avant elle, les aliénés dépendaient de tout le monde sans que personne se crût obligé à un devoir quelconque vis-à-vis d’eux. Leur sort était réglé par le caprice du premier venu ; ils étaient vraiment victimes de l’arbitraire. Sans remonter bien loin, on constate que la situation des aliénés en France au commencement du XIXe siècle était déplorable à tous les points de vue : législatif, humanitaire, médical. Vers 1817, on considérait le préfet du Nord comme bien hardi, presque comme révolutionnaire : ne s’était-il pas imaginé, ce fonctionnaire épris du respect de la liberté individuelle ; de prendre un arrêté pour que l’asile d’aliénés d’Armentières ne reçût aucun pensionnaire « sans jugement d’interdiction préalable et sans un arrêté préfectoral d’admission ? » C’était un exemple qui