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arriverait après lui. Si nous avions aujourd’hui un Charlemagne, il ne pleurerait pas, sans doute, car ce n’est plus de mode, mais il se préoccuperait avec angoisse de ce que sera le gouvernement de demain, en face des concurrences qui le visent directement, le bafouent, et se préparent à le remplacer. Nous ne pouvons pas reproduire ici les termes dont se sont servis les agitateurs grévistes dans leurs réunions pour exprimer leur parfait dédain, leur absolu mépris de tous les pouvoirs publics en général, et de la Chambre en particulier ; mais on les devinera si on va au dernier degré de la grossièreté dans l’expression. Tout cela s’étale dans les journaux et reste impuni : c’est seulement lorsqu’on le lit sur les murs que le ministère commence à s’en émouvoir. Les postiers, tenant à remercier tous ceux qui les avaient soutenus dans leur lutte contre les pouvoirs publics, y ont procédé par voie d’affiche. Leur affiche a provoqué la susceptibilité du gouvernement, parce que, après avoir copieusement injurié M. Simyan, ils y déclarent ne plus le reconnaître pour chef. Ils ont tort, assurément, mais c’est l’habitude des vainqueurs d’enfler un peu la voix après la victoire. Quoi qu’il en soit, le gouvernement s’est fâché. Il a ouvert une enquête pour découvrir les auteurs de l’affiche et a annoncé l’intention de les frapper. Les postiers ont annoncé de leur côté qu’ils recommenceraient la grève et que, cette fois, ce serait terrible. Finalement, tout s’est arrangé, les postiers ayant déclaré que, si leur affiche avait été placardée après, elle avait été rédigée pendant la grève : le gouvernement s’est contenté de cette subtile distinction, de ce pitoyable subterfuge.

En fait, les postiers avaient raison : M. Simyan leur est sacrifié, il quittera son poste demain. Comment ? Peu importe. Dans l’attente de ce dénouement, MM. Clemenceau et Barthou, soit à la tribune, soit dans leurs négociations diplomatiques avec les grévistes, ont imaginé une formule qui leur permettait de temporiser : les ministres et les sous-secrétaires d’État, ont-ils dit, ne sont responsables que devant les Chambres. Si cela est vrai des ministres, ce n’est pas aussi sûr des sous-secrétaires d’État qui sont, en somme, subordonnés aux premiers, et on a vu souvent des ministres eux-mêmes se retirer avec les apparences de la spontanéité pour échapper à une disgrâce parlementaire qu’ils jugeaient probable. Il n’y a pas de règle absolue en pareille matière. Si M. Simyan a été un détestable directeur des Postes, il y a longtemps que son ministre, ou que M. le président du Conseil aurait dû le remercier. Les Chambres ne voient pas tout, ne savent pas tout, ou bien elles le savent et le voient trop tard. Le gouvernement