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VI

On voit à peu près, par cette étude partielle et sommaire, ce que nous pouvons savoir aujourd’hui de Ménandre et ce que nous devons nous résigner à en ignorer, à moins de découvertes nouvelles.

La structure de ses pièces et la façon dont il conduisait une intrigue sont choses à propos desquelles la critique peut maintenant raisonner et discuter en s’appuyant sur un certain nombre de faits significatifs et sur des indices intéressans. Mais, quoi qu’elle fasse, ces faits et ces indices sont probablement encore insuffisans pour lui permettre d’arriver à des conclusions tout à fuit certaines. La part des hypothèses reste là considérable.

Au contraire, pour ce qui touche à la matière de ses comédies, aux élémens dramatiques dont elles se composaient, à la façon dont il a observé la vie, représenté les mœurs, conçu et mis en scène ses personnages, nous sommes dès à présent largement renseignés. À coup sûr, là aussi, les découvertes à venir, s’il s’en produit encore, nous apporteront bien des lumières nouvelles. Elles nous feront saisir de mieux en mieux les rapports de cette comédie si représentative avec la société du temps. Nous verrons plus sûrement jusqu’où s’est étendu le champ d’observation du poète et jusqu’où son regard a pénétré. Des comédies telles que le Superstitieux ou l’Ennemi des femmes, si nous les possédions, nous révéleraient peut-être une satire dépassant en réflexion ou en portée celle dont témoigne ce que nous lisons aujourd’hui. Peut-être, au contraire, attesteraient-elles définitivement que la finesse de son esprit s’est toujours jouée de préférence dans l’observation de ce qui était le plus visible en fait de mœurs et de sentimens. Ce que nous aurions à leur demander surtout, au cas où il deviendrait possible de les classer chronologiquement avec quelque certitude, ce serait de nous mieux instruire sur l’évolution de son art et de sa pensée ; car, aujourd’hui, elle nous échappe encore presque complètement. Enfin, si ces découvertes se complétaient par d’autres, malheureusement bien moins probables, qui nous rendraient quelques pièces des rivaux de Ménandre ou de ses imitateurs, nous aurions des moyens de comparaison singulièrement utiles, qui donneraient