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loin de prétendre partout substituer la première à la seconde, la sagesse serait de les superposer l’une à l’autre. Il y a place, en Orient, pour les deux à la fois, dans les grandes villes au moins, les seules où puissent prospérer des collèges ou des écoles laïques d’un type élevé. Salonique même en est la preuve. L’ouverture des écoles de la Mission laïque n’a point diminué le nombre des enfans qui fréquentent les autres écoles françaises. Leur clientèle est différente ; et le champ d’action est si vaste, l’ambition de savoir le français est telle qu’il y a place pour les établissemens les plus divers. Ce que devraient faire les amis de notre langue, notre gouvernement surtout, c’est ce que fait l’ « Alliance française, » dans la mesure trop modeste de ses ressources : subventionner indistinctement les écoles laïques ou religieuses, sans autre souci que celui de leurs services. Au lieu de se regarder comme des ennemies en guerre, nos écoles d’Orient doivent apprendre à se considérer comme des collaboratrices qui, sous des enseignes différentes, servent également la même cause, la langue française et la France. Ecclésiastiques ou laïques, c’est ce que comprennent, là-bas, les mieux inspirés de nos maîtres ; ainsi le directeur et les professeurs de la Mission laïque à Salonique. En me faisant visiter leurs établissemens, ils se défendaient, avec une loyauté généreuse, de toute pensée d’hostilité contre les autres écoles françaises.

A l’étranger, en effet, même en Orient où les antipathies et les préjugés de sectes semblent encore si vivaces, on prend conscience de la solidarité qui nous fait trop souvent défaut, chez nous, en France. Puis, à l’étonnement de l’observateur superficiel, écoles laïques et écoles congréganistes, dès lors qu’elles sont françaises, deviennent en Orient un instrument de liberté et de progrès, répandant autour d’elles, sans même y songer, des aspirations nouvelles avec les idées modernes. Vues des hauteurs du Bosphore ou des sommets du Liban, les deux Frances qui se disputent l’âme française, la France de la tradition chrétienne et la France de la Révolution, en dépit de toutes leurs dissemblances et leurs luttes, laissent apercevoir bien des traits communs et finissent presque par se confondre en une seule et même France. De loin, les contrastes s’effacent, les différences s’atténuent, les ressemblances s’accusent. Les étrangers, les Orientaux surtout, sont plus frappés des analogies que des oppositions. A ces peuples longtemps assoupis à l’ombre d’un