Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mérite précisément d’être louée : celui de ses économies que les financiers apprécient à 1 800 millions par an.

Il est vrai que ces capitaux, de nouvelle création, ne sont pas distribués à chacun par la destinée, comme le pain bénit à la grand’messe, en parcelles uniformes, dans une corbeille où il n’y a qu’à plonger la main. Ils s’agglomèrent et se concentrent chez quelques travailleurs heureux, par le jeu même des forces contemporaines, qui parfois ne laissent pas de milieu entre la ruine et l’extrême opulence, et qui partout, jusqu’au sein des professions libérales, instituent le triomphe pécuniaire d’une élite. A coup sûr les « égalomanes » ne s’attendaient pas à pareille trahison de la démocratie qui se plaît à forger des altesses économiques. Il faut en prendre son parti. Nul système coercitif, qu’il naisse de la colère ou du rêve, n’entravera ces ascensions tant qu’elles sont utiles.

Or elles sont utiles en ceci : les princes, de la production, en vulgarisant au profit du plus grand nombre un luxe ordinaire et banal, — il n’y avait de banal autrefois que la misère, — retirent au riche une partie de son privilège et à la richesse une partie de sa valeur. Ils sont ainsi les agens de l’évolution moderne qui, si elle n’a pas pour but d’égaliser les « fortunes, » a pour résultat d’égaliser les « jouissances. »


Vte G. D’AVENEL.