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M. ARTHUR BALFOUR

J’ai essayé ici, à plusieurs reprises, d’esquisser la physionomie des hommes d’État anglais qui ont, depuis vingt-cinq ans, occupé le devant de la scène politique. M. Balfour, qui commande, depuis 1891, les forces conservatrices dans la Chambre des Communes, qui a été trois ans premier ministre et qui semble appelé à le redevenir, M. Balfour que la mort de lord Salisbury et la retraite, peut-être définitive, de M. Chamberlain ont laissé seul en vue et en avant, loin en avant de ceux qui le suivent, M. Balfour était, dès longtemps, indiqué pour figurer au premier rang dans cette galerie. J’hésitais à l’aborder parce que je craignais de ne pas le comprendre. Vu à grande distance et d’après les mille impressions contradictoires que laissent dans l’esprit les propos de la conversation courante, M. Balfour m’apparaissait comme un problème vivant, une personnalité faite d’élémens inconciliables : un réactionnaire qui prêche la démocratie, un sceptique enragé de théologie, un politicien profondément dégoûté de la politique. Laquelle de ces deux manières d’être est la vraie ? S’il est sincère, quelle énigme, et, s’il ne l’est pas, quelle comédie ! Si l’attitude est voulue, le geste artificiel, où cesse la nature, et où commence le rôle appris par cœur ? La curiosité, finalement, l’ayant emporté sur le vague malaise qu’inspire une psychologie obscure et ambiguë, je me suis mis à étudier de plus près les actes, les paroles et les écrits de M. Balfour. Tout 4’abord, il m’a paru qu’il était parfaitement sincère, plus sincère