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M. Balfour avait apporté en Irlande un ou deux préjugés dont il se défit. On lui avait présenté les prêtres catholiques comme des êtres haineux et ignorans qui fanatisent le paysan et le maintiennent dans la superstition pour le gouverner plus facilement. Il trouva en eux des hommes de bonne volonté, intelligens des besoins et des ressources de la vie moderne et tout prêts à coopérer avec lui au relèvement et à la pacification du pays. C’est une leçon qu’il n’a jamais oubliée et, pour ma part, j’y vois la cause de cette sympathie envers les ministres de la religion romaine qu’on lui a reprochée plus tard.

En même temps, le ministre constatait qu’il avait bien jugé la situation, mis, comme on le dit, le doigt sur la plaie. Pour sauver l’Irlande, il aurait fallu, d’abord, la séparer de cette bande de politiciens qui parlent en son nom et qui la représentent si mal. Des avocats sans causes, des médecins sans malades, des agens d’affaires sans affaires, des écrivains qu’on ne lit pas, peuvent rêver un parlement autonome à Collège Green ; mais, si l’Irlande était jamais un Etat séparé, ce serait le plus pauvre des Etats de l’Europe. Il n’y a que l’argent anglais qui puisse se dévouer au salut de l’Irlande. De l’argent qui se dévoue ! L’expression peut sembler étrange ; cependant, je ne l’emploie pas à la légère et je crois qu’elle paraîtra, tout à l’heure, pleinement justifiée.

M. Balfour voulait, ai-je dit, arriver jusqu’à l’âme irlandaise, abstraction faite de ses mandataires. On peut dire qu’il y réussit dans une certaine mesure. Car ce voyage, qui devait être une sorte de pilori ambulant, se changea presque en triomphe. Reçu partout avec respect, avec confiance, avec un commencement de gratitude, souvent avec enthousiasme, il rentra en Angleterre après cette étude sur le vif, bien déterminé à continuer son œuvre.

Je ne puis énumérer ici tous les détails de son administration et toutes les mesures législatives qui furent votées sous son inspiration. A une sèche nomenclature, le lecteur préférera, je crois, un aperçu des actes les plus importans qui mettra en relief les tendances générales et l’esprit de ce ministère de quatre années. Ces actes, auxquels les implacables adversaires de M. Balfour eux-mêmes ont été obligés de rendre justice, auxquels, dans une certaine mesure, ils ont collaboré, sont : 1° la création des Congested district board, et 2° la série des lois financières qui