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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/249

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candidature, qui vient d’être retirée, ne sera pas reproduite à l’avenir. Et je demande à Votre Majesté de me permettre d’annoncer au duc de Gramont qu’Elle interdirait au Prince de poser de nouveau sa candidature. »

On comprend ce qui dut se passer dans l’âme du Roi. Décidé à terminer l’affaire pacifiquement, à risquer même une rupture avec le ministre de sa confiance et à s’exposer aux critiques de l’opinion nationale allemande, il recevait pour réponse à cet effort honnête une exigence inutile que, malgré toute sa bonne volonté, il lui était impossible d’accueillir sans se déconsidérer. Il montra une possession de lui-même vraiment royale. Très fermement, mais sans manquer à aucune des formes de sa courtoisie habituelle, il témoigna à l’ambassadeur sa surprise de cette exigence inattendue et lui expliqua pourquoi il la repoussait : « Je ne connais pas encore la détermination du prince Léopold, j’attends à tout moment le message qui doit m’en instruire ; je ne puis donc vous donner aucun éclaircissement ni vous autoriser à transmettre à votre gouvernement la déclaration que vous me demandez. » Benedetti insiste, presse le Roi de raisonner par hypothèse et d’admettre comme accomplie la renonciation. Il l’adjure, entrant dans une distinction à laquelle il n’était pas autorisé, d’y consentir comme chef de famille, sinon comme souverain. Le Roi ne s’explique pas sur l’approbation et refuse péremptoirement toute garantie d’avenir. « Je ne veux ni ne puis prendre un pareil engagement ; je dois, pour cette éventualité comme pour toute autre, me réserver la faculté de consulter les circonstances. Qu’arriverait-il en effet si plus tard Napoléon lui-même admettait la candidature ? Je devrais donc alors m’y opposer ? Je n’ai aucun dessein caché et cette affaire m’a donné de trop grandes préoccupations pour ne pas désirer qu’elle soit définitivement écartée. Cependant, vous pouvez répéter à l’Empereur Votre Souverain ce que je vous affirme ici. Je connais mes cousins, le prince Antoine de Hohenzollern et son fils ; ils sont d’honnêtes gens et, s’ils ont retiré la candidature qu’ils avaient acceptée, ils n’ont certes pas agi avec l’arrière-pensée de la reproduire plus tard. » Benedetti revint à la charge une troisième fois : « Je m’expliquerais jusqu’à un certain point que le souverain ou son gouvernement ne voulussent pas engager l’avenir, mais, en restant sur le terrain où le Roi s’est placé lui-même, je m’adresse au chef de la famille des Hohenzollern,