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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/250

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et, en cette qualité, Votre Majesté peut assurément accueillir, sans préjudice d’aucune sorte, la demande que j’ai été chargé de lui présenter. Notre démarche est sans arrière-pensée, nous avons uniquement en vue de conjurer tout nouveau dissentiment et de rendre une confiance entière aux intérêts alarmés. » Cette fois le Roi s’impatiente et trouve l’insistance déplacée. Sans cesser d’être poli, sur un ton plus sévère, il dit : « Monsieur l’Ambassadeur, je viens de vous donner ma réponse, et comme je n’ai rien à y ajouter, permettez que je me retire. » Il fait deux pas en arrière, salue, traversant la foule qui s’écarte devant lui, rentre dans son hôtel, plus mécontent qu’il ne l’avait laissé paraître, et, dans le récit qu’il fait à la Reine, il traite Benedetti de presque impertinent.

Benedetti communiqua aussitôt télégraphiquement cette réponse à Paris (10 h. et demie). Peu d’instans après, il reçut la seconde dépêche de la nuit de Gramont, qui atténuait et restreignait la première. Il répondit : « J’attends que le Roi me fasse demander pour me donner connaissance du message du prince de Hohenzollern, qui devrait arriver d’un instant à l’autre. Je profiterai de cette occasion pour insister sur ce que j’ai dit ce matin au Roi et me conformer de nouveau aux ordres de l’Empereur. »


II

A Paris, la journée du 13 s’ouvrit par l’article de Robert Mitchell dans le Constitutionnel : « La candidature d’un prince allemand au trône d’Espagne est écartée, et la paix de l’Europe n’en sera pas troublée. Les ministres de l’Empereur ont parlé haut et ferme, comme il convient quand on a l’honneur de gouverner un grand pays. Ils ont été écoutés ; on a donné satisfaction à leur juste demande. Nous sommes satisfaits. Le prince Léopold de Hohenzollern avait accepté la couronne d’Espagne ; la France a déclaré qu’elle s’opposerait à une combinaison politique ou à un arrangement de famille qu’elle jugeait menaçans pour ses intérêts, et la candidature est retirée. Le prince de Hohenzollern ne régnera pas en Espagne. Nous n’en demandions pas davantage ; c’est avec orgueil que nous accueillons cette solution pacifique, une grande victoire qui ne coûte pas une larme, pas une goutte de sang. »