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la carte, on voit les continens américains isolés entre deux océans du reste du monde. Mais que de différences physiques et ethnographiques entre les continens de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud, eux-mêmes. Presque aussi étendus l’un que l’autre, la masse du premier se trouve sous un climat tempéré, propice à l’effort, tandis que celle du second est située sous un climat tropical : plus des trois quarts de l’Amérique du Sud sont au Nord du tropique du Capricorne, et c’est à peine si un quinzième des territoires de l’Amérique du Nord sont au Sud du tropique du Cancer. Différences climatériques, qui ont une forte influence sur les peuples qui habitent ces pays. Et, tandis que la population blanche domine aux Etats-Unis, d’où les races indigènes ont disparu, dans l’Amérique du Sud, la population indienne dépasse en nombre considérable les blancs, et il s’y est produit un mélange important des deux races : c’est à peine si, sur 45 millions d’habitans, un cinquième appartient à la pure race blanche. Dans le Venezuela, la Colombie, la Bolivie, les blancs ne forment que 10 pour 100 à peine de la population. Au Brésil, une estimation très favorable évalue à 40 pour 100 leur part dans la population totale. Dans l’Argentine, elle est peut-être de moitié. Au Chili, une population homogène a été créée par l’union des Blancs et des Indiens, dont le mélange varie suivant les classes. Et la source même de la population blanche qui a colonisé les deux continens ne présente pas de moins grandes différences. Aux Etats-Unis, ce sont les Anglo-Saxons qui l’ont définitivement emporté ; ils ont imposé leur langue et leur idéal aux émigrans venus, jusque dans les quinze dernières années, presque exclusivement de l’Europe septentrionale. L’Amérique du Sud, colonisée à l’époque de la grandeur espagnole, membre de l’Empire disloqué de Charles-Quint, a reçu sa langue et son idéal du monde latin, à la civilisation duquel elle est restée fidèle. Que de dissemblances il faudra surmonter pour lier l’un à l’autre ces deux mondes, qui n’ont de commun, en réalité, que les souvenirs d’une lutte analogue pour conquérir l’indépendance et s’affranchir du joug des anciennes métropoles !

Pour ajouter aux difficultés des États-Unis, les intérêts économiques des nations de l’Amérique du Sud sont, jusqu’ici, divergens des leurs. C’est, naturellement, avec leur pays d’origine que sont portée à commercer les immigrans européens qui