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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous disions, il y a quinze jours, que la proclamation de la grève générale ne nous causerait aucun effroi, et que, si cette expérience devait être faite, le plus tôt serait le mieux. La grève générale a été proclamée : qu’en est-il résulté ? Rien. À l’exception d’un certain nombre de terrassiers, personne n’a répondu à l’appel de la Confédération générale du travail ; chacun a continué de travailler, en dépit du mot d’ordre qui avait été bruyamment donné, et jamais l’aspect de Paris n’avait été plus tranquille. La Confédération générale du travail savait d’ailleurs fort bien elle-même qu’elle allait droit à un échec ; son secrétaire général s’en était parfaitement rendu compte et n’en avait fait nul mystère. Dès lors, le mot de Basile vient inévitablement à la mémoire et on a pu se demander : « Qui trompe-t-on ici ? » On trompait le monde du travail, tout simplement. Et qui se rendait coupable de cette criminelle action ? Était-ce le gouvernement qu’on a plus d’une fois accusé d’un méfait de ce genre ? Était-ce M. Clemenceau qui en a commis tant d’autres ? Était-ce le Parlement, objet de tant de haines et surtout de mépris ? Non : c’était M. Pataud, l’homme de la lumière électrique ; c’était M. Guérard, l’homme des chemins de fer ; enfin c’étaient les guides que, dans leur ignorance et leur confiance naïves, les travailleurs avaient mis à leur tête. Quelle différence y a-t-il donc au point de vue de la sincérité, entre le parlementarisme si décrié et le syndicalisme si vanté ? Le parlementarisme, en attendant qu’il en meure, vit péniblement de certaines fictions que le syndicalisme dénonce avec indignation. Mais on vient de voir le syndicalisme à l’œuvre lui-même, et, aussitôt qu’il s’est trouvé aux prises avec certaines difficultés, il s’est mis à mentir comme s’il n’avait jamais fait autre chose. A-t-il eu du moins l’excuse du succès ? Non. Ses mensonges ont accentué le désastre auquel il a conduit ses adeptes, et le