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Triple Entente ? Peut-être. En tout cas, la crise, qu’on avait pu croire finie, allait, en mars, devenir plus aiguë et plus dangereuse.


III

La Turquie, ayant obtenu satisfaction, se retirait de la lutte ; l’Autriche, en négociant avec elle, venait de donner une preuve de ses dispositions pacifiques ; la Russie aurait pu profiter de ce moment favorable pour abandonner la position diplomatique trop avancée qu’elle avait prise, la Serbie pour renoncer à des prétentions exagérées. L’apaisement général aurait pu se faire si chaque puissance avait pris acte de l’accord austro-turc et reconnu ainsi, indirectement, l’annexion. C’est le contraire qui se produit. Le 11 février, le roi de Serbie constitue un nouveau Cabinet, composé des chefs de tous les partis, présidé par M. Novakovitch : c’est un Cabinet de combat qui n’a pas d’autre programme que la résistance à l’Autriche. A Constantinople, l’intransigeance des Jeunes-Turcs, encouragée par certaines ambassades, traîne en longueur les pourparlers avec l’Autriche et la Bulgarie ; l’accord avec l’Autriche n’est signé que le 26 février, l’accord avec la Bulgarie plus tard encore. Tout est remis en question ; les polémiques de presse s’aigrissent ; les journaux de Vienne sont très belliqueux, on arme, on mobilise, on concentre des troupes vers les frontières serbe et monténégrine ; la Russie remue, elle aussi, des soldats sur ses frontières. De tous les côtés on parle de guerre ; mais, dans les milieux bien informés, on croit toujours à la paix ; la diplomatie n’a pas épuisé ses dernières ressources ; on sait que l’empereur François-Joseph ne se décidera à la guerre qu’à la dernière extrémité ; quant à M. Isvolski, il a déclaré, dès le 7 octobre, dans une conversation publiée par le Temps, qu’en aucun cas l’affaire de Bosnie ne pourrait devenir un casus belli : à Vienne, on a pris acte de cette déclaration, qu’impose d’ailleurs, on ne l’ignore pas, la situation militaire de la Russie ; on conduit la partie en conséquence, on joue sur le velours, tout en se préparant activement pour l’instant inévitable où il faudra abattre les cartes et montrer ses atouts.

On se rend compte cependant, de part et d’autre, que la situation, en se prolongeant, peut devenir dangereuse ; on