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redoute le moment où les fusils partiraient tout seuls. Les circonstances paraissent propices à une médiation : les puissances les moins intéressées dans le conflit cherchent à faire entendre leurs voix et offrent des solutions qui, trop préoccupées de ménager toutes les susceptibilités, ne satisfont personne. La France, si une médiation est possible, paraît la mieux en situation d’être écoutée ; tout en se montrant, pour son allié, un fidèle second, elle n’a pas cessé, dans l’intérêt commun, d’entretenir de bons rapports avec l’Autriche ; elle n’a jamais désespéré de rétablir l’entente, si nécessaire à l’équilibre général, de Vienne et de Pétersbourg. L’Angleterre et la Russie engagent le Cabinet de Paris à intervenir : l’accord franco-allemand sur le Maroc a inauguré, entre Paris et Berlin, une période de détente, de confiance réciproque, dont nos alliés souhaitent que nous profitions pour obtenir que l’Allemagne consente à faire à Vienne une démarche de conciliation. Les puissances de la Triple Entente faisant entendre à Belgrade des conseils de modération, il pouvait paraître naturel que l’Allemagne représentât amicalement à son alliée le danger qu’une politique intransigeante pourrait faire courir à la paix du monde. Les ouvertures qui furent faites en ce sens ne furent pas accueillies à la Wilhelmstrasse. Il fut répondu que l’Allemagne s’abstiendrait d’autant plus de donner un conseil, si amical fût-il, à son alliée, qu’elle considérait que la Serbie était intervenue sans aucun motif valable dans la question de Bosnie, qu’elle n’avait pas été lésée, que ses revendications étaient hors du droit européen, et qu’aucune concession ne devait lui être faite. Cette réserve du Cabinet de Berlin n’impliquait ni un mauvais vouloir à l’égard de la France, ni le désir d’embrouiller les affaires et de pousser à des complications ; car, quelques jours après, à la suite d’une conversation avec l’ambassadeur de France, le prince de Bülow consentait à se joindra aux puissances de la Triple Entente pour faire, à Belgrade, une démarche pressante et, si l’on parvenait à obtenir de la Serbie une réponse de nature à satisfaire l’Autriche, pour demander ensuite, d’un commun accord, au Cabinet de Vienne de s’en contenter. Cette proposition transactionnelle aurait pu conduire à une solution honorable pour tous : elle échoua à Pétersbourg ; M. Isvolski préféra faire seul, à Belgrade, une démarche par laquelle il engageait vivement la Serbie à persévérer dans ses intentions pacifiques, à renoncer aux arméniens, à abandonner