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ses revendications territoriales qu’aucune grande puissance n’était disposée à soutenir et à déclarer qu’il laissait « tout ce qui se rattache aux questions pendantes à la décision des puissances (2 mars). »

Ce sont ces incidens qui expliquent le sens de la démarche faite, le 5 mars, par le comte Forgasch, ministre d’Autriche à Belgrade : il rappelait au gouvernement serbe que le traité de commerce venait à échéance le 31 mars et que, dans les conditions actuelles, le Cabinet de Vienne ne pouvait proposer, aux parlemens autrichien et hongrois, de le prolonger ; il ajoutait : « Si le gouvernement serbe déclare qu’il renonce à toutes prétentions politiques et territoriales au sujet de la Bosnie-Herzégovine, le gouvernement austro-hongrois est prêt à négocier avec bienveillance un nouveau régime économique. » Cette démarche était, indirectement, une réponse aux « représentations amicales » russes du 2 mars. Le comte Forgasch signifiait ainsi aux Serbes qu’ils devaient se résigner au tête-à-tête et que, s’ils persistaient, comme le leur conseillait la Russie, à remettre leur cause aux soins des grandes puissances et à réclamer des avantages économiques comme une compensation à l’annexion de la Bosnie, ils n’obtiendraient rien. Le ton conciliant de la démarche du comte Forgasch pouvait être considéré comme une satisfaction morale accordée par l’Autriche à la Serbie et pouvait faciliter à celle-ci une retraite honorable. On attendait, cette fois, de la Serbie, la réponse qui libérerait l’Europe de ses inquiétudes : de Paris, on faisait entendre à Pétersbourg que la situation devenait alarmante et que, si on ne décourageait pas le Cabinet de Belgrade de ses espérances illusoires, on risquerait d’aboutir à une guerre générale. M. Milovanovitch répondit d’abord (10 mars) à la Russie par une note qui fut communiquée à toutes les chancelleries ; il y déclarait : « La question de Bosnie-Herzégovine étant une question européenne… la Serbie… remet sa cause sans réserves aux puissances, comme au tribunal compétent, et ne demande en conséquence, à cette occasion, de l’Autriche-Hongrie, aucune compensation ni territoriale, ni politique, ni économique. » Ainsi, M. Milovanovitch esquivait, en se réfugiant derrière l’Europe, je tête-à-tête redoutable auquel l’Autriche prétendait le réduire ; il s’éclipsait habilement, en poussant au premier plan la Russie. Par-là même, le conflit devenait de plus en plus aigu ; les moyens de conciliation s’épuisaient. La presse autrichienne et allemande