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britannique. Taaf avait pris pour collaborateurs des nouvellistes parisiens, dont quelques-uns pouvaient être inconsciens du rôle qu’on leur faisait jouer. Taaf dit que le roi d’Angleterre dépensait annuellement jusqu’à 60 000 livres pour rémunérer, voire pensionner, des Français qui, dans leur pays, servaient sa politique. Ici les nouvellistes ne sont pas seulement utiles à l’étranger pour lui fournir les informations qu’il désire obtenir, mais pour répandre en France et en Europe les bruits qu’il veut y voir circuler.

Outre ces nouvellistes, — qui constituaient évidemment parmi leurs confrères la très mince exception, — nouvellistes en communication directe ou indirecte avec l’étranger, il faut signaler encore, à une époque où l’idée de patrie s’était déjà éveillée dans bien des cœurs, les sujets du roi Très Chrétien qui faisaient des vœux pour les armées ennemies : types déjà rencontrés parmi les nouvellistes des promenades publiques, où on les appelait des « merles. » Parmi les nouvellistes à la main, on les nommait les « Autrichiens, » et de là tirera plus tard sa terrible force cette épithète d’» Autrichienne » dont on poursuivra Marie-Antoinette jusqu’à l’échafaud. Le mot était devenu synonyme de « traître à la patrie. » On les nommait ainsi parce qu’ils exaltaient l’impératrice Marie-Thérèse, ses capitaines et ses hommes d’État, en guerre avec la France. On les nommait encore « les Lorrains, » parce que la maison régnante en Autriche était la maison de Lorraine et que nombre d’habitans de cette province lui conservaient leurs sympathies. « Il y a dans Paris, disent Barbier et d’Argenson, beaucoup de gens malintentionnés qu’on appelle Autrichiens. On peut remarquer que, sur dix personnes, les trois quarts sont disposés à mal parler de nos entreprises et à saisir les mauvaises nouvelles. » Aussi, durant la guerre de la succession d’Autriche, vit-on se multiplier à Paris les arrestations de nouvellistes « qui s’étudiaient à élever excessivement la reine de Hongrie. »


VII. — LA RÉPRESSION

Ainsi s’expliquent donc les rigueurs de l’administration vis-à-vis des gazetiers à la main. Dès le 16 septembre 1551, Henri II porta défense « que nul ne soit si osé d’écrire nouvelles qui touchent les affaires des princes et du royaume, sur peine de