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confiscation de corps et de biens. » Les « lettres royaux » étaient motivées sur « ce que font les marchands espagnols, portugais, italiens qui, sous ombre de l’entrecours et trafic de leurs marchandises à changer, écrivent ordinairement nouvelles es Flandres et autres pays de la subdition de l’Empereur. » A l’époque de la Fronde, les sévérités redoublent, malgré le scepticisme intelligent de Mazarin. Il est vrai que, de temps à autre, le peuple, en accablant d’une grêle de pierres archers et bourreau, mettait les exécuteurs en fuite et délivrait le condamné au moment où déjà la corde lui tournait autour du cou :


On ne peut empêcher d’écrire
Par menaces, ni autrement,
Et les arrêts du Parlement
N’ont pas assez de suffisance...


fait-on dire au pauvre Mazarin.

Quand, à la mort du cardinal italien, Louis XIV prit en mains la direction de l’État, il ne laissa pas, comme bien on pense, faiblir les sévérités contre les nouvellistes. Est-il besoin de rappeler que Louis XIV n’était pas favorable à la liberté de la presse ? Il n’était délit pour lequel le grand roi montrât plus d’aversion. Aussi l’un de ses premiers actes fut-il d’ordonner l’incarcération à la Bastille de tous les nouvellistes qu’il serait possible d’attraper, et, dès le mois d’avril 1662, nous y voyons mener toute une « société : » Pierre Leclerc, marchand fruitier ; les abbés Delépine et Guérinon ; Pradier, solliciteur d’affaires au Palais ; trois domestiques, Gaigneron, Dupré et Parfait ; Louis Lecomte, maître d’hôtel de la présidente de Barillon ; P. Mathieu, avocat au Parlement et le gargotier Lamy : un joli bureau de rédaction et de l’assortiment le plus varié.

C’est l’époque où le secret d’État sévit dans toute son intensité. En vain les nouvellistes s’efforcent-ils d’y accommoder leurs plumes, d’écrire leurs gazettes avec modération, de leur enlever tout caractère politique, de ménager gens en place et gens de qualité : la défense demeure absolue, et les peines se succèdent : confiscations, lettres d’exil, prison, galères, potence ; c’est l’époque où, dans son Affaire des Poisons, Victorien Sardou a placé les aventures de son charmant abbé Griffard, un nouvelliste à la main ; mais les rigueurs, qu’on les aggrave, qu’on en redouble, demeurent impuissantes : à peine une nichée