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complètement la végétation partout où elle a disparu. Le plus souvent, l’Administration exproprie des forêts communales en plus ou moins bon état ou achète à bas prix des propriétés abandonnées qu’il n’est pas difficile ensuite d’amener à se tapisser de verdure. Il faut et il suffit tout bonnement d’en exclure pâtres et troupeaux.

Or, supposons que dans le voisinage se trouvent, — comme c’est toujours le cas, — de petits hameaux, des fermes dont le bétail constitue l’unique ressource, puisque, dans les hautes vallées, il fait trop froid pour les cultures fruitières et que le sol peu fertile ne peut être semé en blé. Nos pauvres gens, entravés dans leurs habitudes de pacage, se verront réduits à la misère, faute de pouvoir alimenter leurs bêtes et abandonneront leurs terres patrimoniales, soit pour quitter le pays, soit pour s’installer dans les maisons des hameaux inférieurs que les émigrans ont laissées vides. Conséquence : une grave dépopulation, qui à la T… de B... par exemple, affecte surtout la seconde branche du V dont nous avons parlé sans la visiter ; la commune, qui avait 700 âmes dans la première moitié du XIXe siècle et 500 à la chute de l’Empire, n’en compte pas plus de 300 actuellement. Triste contraste : à côté de ces malheureux qui luttent ferme contre la misère avant de succomber, les gardes forestiers mènent une vie relativement plantureuse, sans rien faire, en bons fonctionnaires qu’ils sont, jouissant, sans contrôle, d’avantages pratiques qu’on leur adjuge ou qu’ils s’adjugent.

La dépopulation des communes que nous avons étudiées s’opère surtout aux dépens des habitans les plus pauvres, car il n’y a pas de bourgeois dans le pays et aux dépens aussi des cadets de familles nombreuses. Il est vrai que celles-ci, là comme ailleurs, diminuent en nombre et en effectif. La classe des non-possédans, jadis assez importante, est maintenant réduite à presque rien. Lorsque, à présent, une famille de petits propriétaires quitte le pays, le bien est acheté par un voisin aisé. Si les cultivateurs ont plusieurs fils, un seul après le décès du père se charge de l’ensemble des biens héréditaires, et les autres, une fois partis pour le service militaire, ne reviennent plus. Ceux qui ont gagné de l’argent hors du terroir natal ne retournent guère s’y réinstaller après fortune faite, comme cela se passe dans la région de l’Auvergne par exemple.

En somme, le canton se dépeuple et n’a plus que 2 300 âmes