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(contre 4 500 en 1841), mais sans s’appauvrir, avec concentration des bonnes terres dans un petit nombre de mains, accroissement des friches pour les sols maigres, culture plus soignée des champs fertiles, abandon des petits hameaux reculés, des antiques fermes d’accès difficile, avec maintien et même développement des exploitations ou hameaux de plaine. Il s’y produit bien des vides, mais les émigrans, venus de l’amont, les comblent. Quant aux bicoques abandonnées, on ne se donne pas la peine de les démolir, mais on accentue encore leur caractère de ruines, en emportant les tuiles des toits, tuiles qui ont une certaine valeur dans le pays.

À B…, commune toute dispersée, on compte cependant moins de maisons désertes qu’on ne serait tenté de le croire. L’exemple le plus tristement curieux est celui déjà cité tout à l’heure de l’ancien centre communal qui, maintenant, comme un couvent de l’Athos, n’est plus animé par la présence d’une femme, ni vivifié par les ébats d’un seul enfant. Évidemment, l’affaiblissement se fait et continue à se produire moins sur le nombre brut de feux que sur la quotité moyenne du nombre de personnes logeant sous le même toit.

Peut-on compter du moins, comme ailleurs, sur l’installation permanente d’immigrans étrangers ? Non, il n’en vient pas, et les Italiens assez nombreux qui travaillent à Sisteron ne sont pas des agriculteurs, à la différence de beaucoup de ceux qui servent d’auxiliaires dans les villages de la Basse-Provence, mais bien des terrassiers ou des maçons. Aussi la main-d’œuvre agricole est-elle assez chère maintenant : 2 fr. 50 en été, 2 francs en hiver. Les femmes gagnent moitié moins comme partout, et si le travailleur est nourri, on réduit son salaire de 1 franc.

Un homme ou une femme du pays qui ne craint pas la fatigue peut du reste gagner davantage. Depuis trente années s’est développée une industrie qui prospère beaucoup, celle de la lavande, industrie exercée par des gens du pays ou par des spécialistes de Grasse. Pendant les mois d’été fonctionnent des alambics qui distillent des quantités énormes de cette plante aromatique foisonnant dans les contreforts de la montagne de Lure. Nul n’est autorisé à en ramasser sans redevance dans les forêts domaniales (grief de plus contre l’administration forestière), mais chez les particuliers et dans les communaux, la cueillette est libre. L’essence de lavande se vendant jusqu’à 25 francs le kilogramme