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préparé et qui s’est accompli dans les conditions les plus propres à frapper les esprits. En effet, le jeune Nény avait annoncé son suicide ; plusieurs de ses camarades en ont été les complices ; l’arme meurtrière, un revolver, lui a été fournie et a disparu après la sinistre tragédie ; il y avait eu une véritable conspiration dont tous les détails ne sont pas connus : ceux qui le sont suffisent pour étonner, déconcerter, inquiéter. M. Maurice Barrès a posé devant la Chambre un problème qui n’intéresse pas seulement les pères de famille. Il a constaté que le jeune Nény avait eu l’imagination exaltée par la lecture du plus pessimiste et du plus désolant des philosophes germaniques, Schopenhauer, et il s’est demandé comment des livres qui, certes, ne sont pas faits pour des adolescens, avaient pu tomber entre les mains du pauvre petit élève du lycée de Clermont. L’orateur a fait, ce qui était son droit, la critique de l’enseignement universitaire actuel ; il l’a faite avec convenance et modération, et aussi, malheureusement, avec quelque vérité. Cet enseignement tout intellectuel n’a pas de contrepoids moraux suffisans, et il en résulte chez l’enfant et chez le jeune homme un déséquilibre redoutable, soit pour le sujet lui-même, soit pour la société dans laquelle il est destiné à entrer. La machine surchauffée fait explosion. M. Barrès a parlé de l’Université d’autrefois, celle que nous avons connue, dans laquelle le professeur apportait à l’élève un ensemble d’affirmations qui, prises dans une longue tradition, étaient d’accord avec les croyances et les sentimens des familles : il y avait alors harmonie entre l’Université et le pays. En est-il de même maintenant ? N’y a-t-il pas dans l’Université actuelle, ou du moins dans une partie de ses membres, un scepticisme poussé parfois jusqu’à la négation, jusqu’au nihilisme, qui est pour un esprit encore sans défense une leçon très malsaine ? Grave question : nous n’avons nullement l’intention de la traiter aujourd’hui . encore moins de la résoudre. M. le ministre de l’Instruction publique l’a prise par le plus petit côté. Après avoir donné, du suicide du jeune Nény, un récit qui n’a fait que confirmer celui de M. Barrès, il a cru ou feint de croire que celui-ci n’avait eu d’autre but que de servir une campagne entamée, a-t-il dit, contre l’enseignement laïque, et entamée par qui ? vous le devinez sans peine : par l’Église catholique. « C’est un mot d’ordre ! » s’est écrié M. Doumergue, et, pour le prouver, il a apporté à la tribune toute une collection de menus faits que M. Denys Cochin a justement qualifiés de « potins, » et dont il a tiré des conséquences terrifiantes. On a vu une fois de plus l’Église se dresser contre l’esprit moderne et battre