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une tache sur l’écusson, a déclaré le Parlement. Le rescrit impérial de 1890 fixe la doctrine. Ce rescrit est lu chaque année solennellement dans chaque université de l’Empire, lors de la distribution annuelle des diplômes. Il est écouté debout par toute l’assistance dans un recueillement respectueux, et promulgue un point important : où qu’il vive, quelles que soient ses occupations, le Japonais reste soumis aux lois de son pays. C’est ainsi que les 76 900 Japonais habitant en territoire américain aux îles Hawaï ont constamment les yeux fixés sur Tokyo. Certaines autorités prétendent même que 15 000 d’entre eux sont organisés militairement.

Le travail constant de l’Instruction publique, en vue de développer le patriotisme, n’existe pas au même degré dans les six Universités de Tokyo fréquentées par 3 400 étudians, ni dans celles de Kyoto dont les trois Facultés sont suivies par 640 élèves ; mais il y est remplacé par un esprit anti-européen qui, depuis une quinzaine d’années, se développe de plus en plus. À mesure que les méthodes de l’Ouest furent mieux connues, elles perdirent leur prestige. La haute direction de l’enseignement ne cherche pas à modifier dans le sens européen la forme de la pensée japonaise. Celle-ci, très éprise de la science dans ses applications pratiques, tient en médiocre estime nos conceptions purement philosophiques, jugées bonnes seulement à servir de passe-temps aux esprits désœuvrés. Le Japonais ne comprend pas nos controverses passionnées sur des sujets éthiques, psychologiques ou religieux. Le charme que nous trouvons dans la fiction ou le roman lui échappe. Il n’est sensible qu’aux conséquences pratiques de la recherche. Malgré l’extrême courtoisie, les formes parfaites qui se rencontrent même dans les plus basses classes et qui ont le charme d’être exemptes de servilité ou d’obséquiosité, l’étranger a conscience de son isolement moral, conséquence d’un orgueil patriotique irréductible. Il se sent en présence d’une pensée dominante : l’étranger, c’est l’adversaire. Évidemment il est des adversaires avec lesquels on peut s’entendre, mais en général, il a le sentiment que l’accord de tous sera toujours prêt à se faire contre lui.

Un immense effort s’est donc accompli pour constituer une armée et une marine assurant en toutes circonstances une complète liberté d’action politique. Ce but est près d’être atteint. Enumérer les progrès considérables des forces japonaises depuis