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Plus loin, Spencer se prononce contre l’immigration chinoise en Amérique. Si elle s’étendait, une immense désorganisation sociale en résulterait. La lettre se termine ainsi : « Peut-être, dans une autre génération, le Japon pourra-t-il se relâcher de son conservatisme. Mais pour l’époque actuelle, ce conservatisme seul est son salut. »

Ces conseils du philosophe anglais ont été écoutés. On peut affirmer qu’ils sont suivis de très près, et on les trouve à la base de l’organisation financière actuelle.

Lorsque la guerre avec la Russie fut résolue, le gouvernement décida que l’on demanderait au pays tout ce qu’il pourrait donner jusqu’à la limite de ses forces, le surplus seulement devant être emprunté à l’étranger. C’est ce qui fut fait. Par patriotisme le Japon se saigna. Les femmes vendirent leurs bijoux. Mais la crise passée, les charges ne furent pas diminuées, parce que les armemens continuèrent d’être poussés avec une activité inlassable. Les impôts, qui avant la guerre se montaient à 625 millions de yen, produisent maintenant 650 millions dont le tiers est attribué à la guerre et à la marine.

Le Livre Brun, publié en anglais à Tokyo (rapport annuel sur la situation économique et financière du Japon pour l’année 1908) donne les renseignemens suivans : l’exercice 1906-1907 a présenté un excédent de recettes de 290 millions. Celui de 1907-1908 un excédent de 168 millions et seulement de 36 322 francs en 1908-1909. Le prochain budget sera équilibré ; mais en 1910, le gouvernement, s’il ne se relâche pas de sa politique d’exclusion des capitaux étrangers, devra trouver d’autres ressources ou se servir de sa réserve d’or de Paris et de Londres. En tout cas, le Japon a encore plusieurs années devant lui avant d’être obligé à une modification de son système fiscal. Dans l’exercice 1898-1899, les dépenses étaient de 220 millions de yen. En 1908-1909, elles sont de 620 millions, soit 400 millions de yen de plus. La dette par tête d’habitant est passée de 2 yen 10 sen à 5 yen 80 sen.

En vingt ans le prix de la vie a augmenté dans le rapport de 3 à 7. Le prix de la main-d’œuvre s’est accru dans la même proportion. Néanmoins les impôts rentrent régulièrement ; on voit partout s’élever d’immenses constructions et personne n’a l’impression d’habiter un pays dans la gêne. Par rapport aux ressources très limitées, la situation financière est particulièrement