Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus loin. En 1744, son dernier maître avait été le marquis de Sendricourt, lieutenant général des armées du Roi. Tollot portait l’épée. Il était marié à une blanchisseuse et avait cinq enfans. « C’est, dit l’inspecteur Poussot, le plus méchant des nouvellistes, un friand de la lame, criant fort, narguant les principaux personnages de l’Etat et toujours prêt à risquer sa vie comme celle des autres. Bien que marié à une femme si douce et si patiente qu’elle ne se plaint jamais, il vit avec la plus jeune des Pomier, pour laquelle il a déserté le toit conjugal. »

« La plus jeune des Pomier » avait quinze ans, originaire de Jarnac, d’où elle était venue à Paris avec sa sœur aînée Geneviève. Rambaud les avait vues à la Conciergerie, où il était prisonnier en 1742, et les avait immédiatement engagées dans son service de nouvelles. La gamine venait lui apporter les « mémoires » dans la prison et en remportait ses bulletins ; mais, dès le mois de décembre 1742, l’accès lui en fut interdit, car elle introduisait également des limes et autres outils, qui servirent à plusieurs détenus pour s’évader. Cette petite demoiselle avait un appartement rue de la Juiverie, au Mouton d’argent, que Rambaud lui avait installé, pour y mettre à travailler plusieurs de ses copistes, cependant que, comme le constate l’inspecteur Poussot, la fillette venait « amuser » la police en lui donnant de « faux avis, » qui égaraient les poursuites. Les Pomier étaient quatre sœurs, Geneviève, Jeanne, Marie et Marguerite, âgées respectivement en 1744, de vingt-huit, vingt, dix-huit et quinze ans ; de toutes, nous aurons à connaître.

Parmi les principaux collaborateurs de Rambaud se trouvait encore, en 1744, un jeune étudiant en théologie, Nicolas Sarazin. A ses études en droit canon, Sarazin mêlait la musique, il jouait du violon et, par surcroît, il faisait des gazettes. C’est en 1742 que Sazarin avait trouvé Rambaud à la Conciergerie, où celui-ci était enfermé pour dettes. Sarazin était « à peu près nu. » Le prisonnier pour dettes lui donna un habit et l’engagea comme nouvelliste aux appointemens de quinze pistoles, — environ 600 francs de notre monnaie, — par mois.

Arrêté et incarcéré par deux fois, en 1742 et en 1743, à cause de ses tendances « autrichiennes, » Sarazin prenait les plus grandes précautions. Il portait ses feuilles de nouvelles cousues dans les plis de son habit ; chez lui, rue des Cizeaux, il les cachait entre le montant du chambranle et les jambages de sa