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de leur pays ; car on ne consulte jamais que les Anglais et, dans les affaires qui touchent de plus près les Indous, l’opinion des intéressés ne pèse pas une once. Ils souhaitent la réduction du temps de service dans l’armée et la création d’écoles militaires pour les jeunes indigènes qui pourraient prétendre, plus tard, à tous les grades, aussi bien que les Anglais. Ils ajoutent quelques autres vœux : développement de l’enseignement scientifique, agricole, industriel ; dégrèvement des impôts parallèlement aux excédens de recettes[1] ; amélioration des voies de communication ; cessation de l’abus qui consiste à payer sur le budget de l’Inde les expéditions militaires à l’extérieur, en Chine, au Transvaal, en Égypte, et ailleurs ; droit d’émigrer dans les colonies britanniques, suivant la loi de l’offre et de la demande. Sur ce point particulier, les colonies font des objections, surtout l’Australie qui dirige une croisade contre les hommes de couleur. Enfin, les Indous voudraient pouvoir exposer leurs vœux au gouvernement.

Ces réclamations paraissent logiques, dans leur ensemble. À titre d’exemple, voici quelques explications sur le premier point. L’autorité nomme volontiers les indigènes cantonniers, mais non pas juges. Elle leur abandonne, comme une aumône, les trois cinquièmes des emplois inférieurs, en les écartant résolument des charges élevées. Ainsi, 1 370 fonctionnaires, au traitement de 20 000 francs, ne comptent que 92 Indous (6,6 p. 100). Mais, sur 27 000 agens dont la solde varie entre 1 500 et 2 000 francs, 16 283 (60,5 p. 100) sont Indous. Ces proportions appellent un remaniement. Lord Morley l’a compris : dès 1904, il se prononçait pour l’admission des natifs aux charges importantes.

En faisant tête à l’orage, le gouvernement cherche à donner quelques satisfactions aux intellectuels. Mais, dans sa course à la recherche du mieux, ses fonctionnaires ne le secondent pas avec tout le zèle, ou du moins toute l’efficacité désirable. Il n’y a pas plus de mélange, a-t-on dit, entre les Anglais et les Indous, qu’entre l’huile et l’eau. C’est l’exactitude même. La société blanche vit en marge de la population noire. Chaque ville possède un club, qui, théoriquement, admet les Indous parmi ses membres. Y rencontre-t-on par hasard un magistrat indi-

  1. Le budget de 1902-1903 accusait un excédent de recettes de 115 millions de francs.