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côté des Chambres dont il a défini et restreint les fonctions, la plénitude du pouvoir gouvernemental. Il a fait sonner très haut le principe d’autorité dont il a désormais la garde, et a émis l’avis que le parlement et le gouvernement ne devaient pas être des vases trop facilement communicans, en quoi il a parlé comme le faisait autrefois M. Waldeck-Rousseau, dans sa première manière. Il a déclaré très haut qu’entre les intérêts particuliers, ou même ceux des grandes collectivités d’une part, et ceux du pays lui-même et de l’universalité des citoyens de l’autre, il n’hésiterait jamais et subordonnerait toujours les premiers aux seconds, car cela importe au maintien de l’ordre qui est la condition de tout progrès : n’avons-nous pas entendu cela dans d’autres bouches que la sienne ! Enfin il a déclaré que le premier devoir du gouvernement était de garantir à chacun la sécurité dans son travail, afin de lui permettre de s’enrichir. Enrichissez-vous, avait dit autrefois M. Guizot ; mais combien cette déclaration est plus piquante dans la bouche d’un socialiste ? En écoutant M. Briand, mille réminiscences du même genre venaient à l’esprit, et on se disait que son discours aurait pu être prononcé par un républicain modéré et progressiste. La seule différence est que, si ce républicain le prononçait aujourd’hui, il serait hué, tandis que M. Briand a été applaudi comme il méritait de l’être par la majorité de l’Assemblée et que les socialistes restaient à leurs bancs silencieux et renfrognés. Quand on en est venu au vote, 306 voix contre 46 ont accordé leur confiance au gouvernement, ce qui est sans doute une belle majorité. Mais il y a eu, on le voit, de nombreuses abstentions.

Nous n’entrerons pas dans le détail du programme ministériel. M. Briand a promis de faire voter les retraites ouvrières avant la fin de la législature. En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, la déclaration ministérielle contient un mot malvenu, qui a produit sur le Sénat une impression désagréable et a contribué sans nul doute à l’accueil très froid qui lui a été fait. « Aucun effort ne nous coûtera, dit la déclaration, pour défendre devant la Haute Assemblée la volonté exprimée par la Chambre. » La volonté ! Une assemblée a-t-elle le droit d’exprimer une volonté en face de l’autre ? N’en faut-il pas deux pour faire une loi, et ne sont-elles pas également fibres ? Ce mot semble plutôt de la façon de M. Clemenceau que de celle de M. Briand. Il y aurait beaucoup à dire sur les lois scolaires qui sont annoncées dans des termes assez menaçans ; mais nous y reviendrons. Enfin, une chronique tout entière, — et nous sommes à la fin de celle-ci, — ne serait pas de trop pour traiter de la réforme électorale. On en parlera