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toujours sa femme, et que tout cela n’existait que dans son imagination, elle respira, sans d’ailleurs applaudir. Décidément, ce poète prolétaire n’était qu’un homme de lettres. Elle perdait de ce côté. Mais elle avait tant gagné par ailleurs !

Et cet homme de lettres, voyant sa grande amie se tourner vers le théâtre, voulut naturellement s’essayer au théâtre, lui aussi. Rien ne lui sembla plus naturel que d’imiter et d’adapter un sujet de Gœthe, qu’il chargea candidement George Sand de lui placer. Cela s’appelait Le Frère et la Sœur. George Sand engagea de longs pourparlers avec les directeurs de l’Odéon, qui acceptèrent en principe, puis hésitèrent, puis atermoyèrent, si bien qu’à leur sortie de charge rien n’était décidé. Poncy se consola en s’accordant la satisfaction d’imprimer sa pièce injouée, et sans doute injouable. C’était toujours cela d’ajouté à son bagage. Il y ajouta bien d’autres choses encore, puisqu’il produisit jusqu’à cinq volumes de Contes et nouvelles, qui n’offrent d’ailleurs aucun intérêt. Mais Poncy pouvait maintenant s’accorder ce luxe. Sa situation avait grandi. Nommé secrétaire de la mairie, peu après la révolution de Février, de maçon passé entrepreneur, puis expert, graduellement enrichi par des acquisitions de terrains et par la construction des quartiers neufs de Toulon, en dernier lieu secrétaire de la Chambre de Commerce, d’ailleurs toujours probe, actif, honorable entre les plus honorables, il était devenu un des « notables » de sa ville. En politique, homme d’aspirations généreuses bien plus que de passions, il ne montra contre le gouvernement du 2 décembre aucune combativité. L’Empire le décora en 1865, au double titre de littérateur estimable et d’irréprochable fonctionnaire.

L’Empire eut raison. Mais tout cela est d’intérêt médiocre, et n’est rappelé ici que pour ne pas être trop incomplet.

Le véritable intérêt de la correspondance, sinon le seul, à cette date, est la continuité et la naturelle beauté de cette amitié qui, jusqu’à la dernière heure de George Sand, ne se dément pas un seul instant. Il semble que l’égalité, que l’harmonie parfaite existent, aient toujours existé entre cette femme de génie et cet aimable demi-talent. C’est là une de ces créations du cœur, comme la vie de George Sand en est pleine. A ses yeux, disparaissent classes et castes, œuvres de la société et non de la nature. Le défaut d’instruction n’est même pas une barrière à ses yeux. Ce n’est pas aux accidens extérieurs de la forunet