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péché par négligence. Le prince de Bülow logiquement s’était offert en victime expiatoire et avait remis sa démission, que l’Empereur avait refusée : récit authentique, officiel, qui dépassait en extravagance tout ce qu’on avait pu supposer.

La suite est plus étrange encore. Puisque l’Empereur avait soumis son texte au chancelier, il n’y avait rien à lui reprocher. Et cependant, voici qu’éclate contre lui une formidable campagne, qui ne peut s’expliquer que par un arriéré de griefs et une nervosité momentanée. Dans la presse, c’est un concert d’imprécations qui bientôt trouve écho au Reichstag. La Gazette de Voss dénonce « les graves défauts de l’organisation gouvernementale, » et demande un « remède énergique. » Le Berliner Tageblatt écrit : « Le peuple allemand, qui est majeur, désire se protéger contre le retour de semblables interventions personnelles. » D’autres journaux de toutes nuances protestent contre « la politique impulsive de l’Empereur, » et déclarent que « cette politique n’est pas celle du peuple allemand. » M. Bassermann, national-libéral, dépose une interpellation : « Le chancelier assume-t-il la responsabilité constitutionnelle de la publication dans le Daily Telegraph d’une série de conversations de S. M. l’Empereur et des faits qui s’y trouvent mentionnés ? » La Gazette de Cologne préconise la formation au Reichstag d’une commission permanente des Affaires étrangères. Le 10 novembre, M. Bassermann, en termes mesurés, résume les critiques à la tribune. D’après lui, ce sont les conversations de l’Empereur, plus encore que la publication de l’article, qui constituent une faute grave. On est ainsi au vif du débat.

Dans sa réponse à l’interpellation, le prince de Bülow parle d’un ton modéré et attristé. — Il a, dit-il, pris la plus pénible décision de sa carrière en restant en fonctions sur le désir de l’Empereur. Son rôle, en effet, est difficile. Il est obligé de défendre Guillaume II sans se compromettre. Le défendre en couvrant ses actes, ce serait les aggraver. Les critiquer, il n’y peut songer, étant devant le Reichstag le « représentant » du souverain. Une seule ressource, par conséquent, prendre le débat de biais, en atténuant la gravité des faits. Il commence par en démentir quelques-uns. Le mal, ajoute-t-il, n’est pas aussi grand qu’on l’a dit. Enfin l’expérience « conduira l’Empereur à observer dans ses entretiens privés une réserve aussi indispensable pour la continuité de la politique allemande que pour l’autorité