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LE PRINCE DE BÜLOW.

de la couronne. S’il en était autrement, ni le prince de Bülow, ni aucun successeur ne pourrait porter le poids d’une telle responsabilité. » Fort de cette conviction, il demeurera donc à son poste, sans savoir toutefois « combien de temps ce lui sera possible. » — A la séance suivante, d’autres orateurs se lèvent, et dès lors, la borne est franchie. M. Schrader, de l’Union démocratique, se plaint amèrement des absences continuelles de l’Empereur. M. Zimmermann, antisémite, déclare que Guillaume II a perdu tout contact avec le peuple. M. Haussmann, démocrate, s’écrie : « Où sont les garanties pour l’avenir ? » M. Heine, socialiste, estime que, demain comme hier, « l’Empereur continuera à mettre ses doigts partout, à cultiver son dilettantisme, à se tenir pour un génie méconnu. » Une réponse courte de M. de Kirderlen, ministre des Affaires étrangères par intérim, remplaçant M. de Schoen malade, est accueillie par des rires et des huées. Comme l’orateur porte à son gilet un large galon noir, on lui crie : « De qui êtes-vous en deuil ? » Le lendemain, les journaux propagent dans tout l’Empire le récit de cette journée de révolte, en l’aggravant de leurs commentaires. Un jour plus tard, le Centre et les socialistes déposent des motions invitant le gouvernement à préparer un projet de loi sur la responsabilité ministérielle.

Est-ce la menace de ce débat qui détermine le chancelier à jeter du lest ? Peut-être. Quoiqu’il en soit, dès ce moment, on sent dans les articles de la presse officieuse sa résolution de donner une leçon courtoise, mais très ferme, au souverain absent qui, installé à Donaueschingen, s’obstine à écouter, chez le prince de Furstenberg, les chansons du Chat-Noir. La Post écrit : « En face des droits des souverains, il y a des devoirs. Et leur méconnaissance peut ébranler les fondemens de la monarchie. » La Gazette de l’Allemagne du Nord reconnaît « qu’une ombre s’est glissée entre l’Empereur et la nation. » Elle explique que le chancelier n’a pas voulu, par un second discours, prolonger le débat et qu’il attend maintenant que l’Empereur le reçoive. Cette audience a lieu le 17 novembre et, le lendemain, la Gazette de Cologne, dans un article précédé de l’astérisque officielle et daté de Berlin, résume l’entrevue en forme de réquisitoire. Elle commence par prendre acte des promesses de l’Empereur. Elle admet que, théoriquement, il n’y aurait rien à objecter contre le principe de garanties plus positives. L’Empereur, au surplus, ne