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LE PRINCE DE BÜLOW.

volontiers comme un autre ministre : « L’incident est clos. » Mais il ne dépend pas des volontés humaines de clore à leur gré les grandes émotions collectives. La Gauche et le Centre réclamaient des garanties. La Droite, déjà, se demandait avec une inquiétude repentie si, en attaquant le souverain, elle n’avait pas sapé les bases de sa propre puissance : et elle en gardait rancune au chancelier. Le comte Hompesch préconisait le vote d’une loi sur la responsabilité ministérielle. Les démocrates et les socialistes proposaient eux-mêmes la réglementation de cette responsabilité. Les conservateurs protestaient de |leur résolution de repousser toute motion de ce genre. Le prince de Bülow, qui, le 19 novembre, avait déçu le Reichstag en ne soufflant mot de la crise récente, affirmait qu’il ne participerait pas au débat. Et le 2 décembre en effet, M.de Bethmann Hollweg, ministre de l’Intérieur, déclarait, au début de la discussion, que le Conseil fédéral refusait de se prononcer, sans d’ailleurs méconnaître l’importance de l’opinion du Reichstag. Un renvoi à la Commission du règlement fournit une solution commode. Mais il fut clair que les conservateurs avaient contre eux tous les autres partis et que, sur cette question vitale, le Bloc était brisé : rupture d’autant plus grave que simultanément s’ouvrait le débat sur la réforme financière, débat que le chancelier n’avait pu ajourner davantage, quelques raisons qu’il eût d’en redouter les suites.

Les tentatives partielles de réforme financière poursuivies depuis 1904 n’avaient pas suffi à assainir la situation et un effort nouveau, d’une ampleur et d’une intensité supérieures, était devenu nécessaire. La réforme fiscale de 1906 n’avait pas réussi à équilibrer le budget. Le déficit avait été de 372 millions de francs en 1906, de 431 millions en 1907, de 469 millions en 1908. A considérer les neuf dernières années, il s’élevait au total à 2 milliards 400 millions. La dette avait parallèlement augmenté, passant de 4 430 000 000 francs en 1905 à 5 317 000 000 francs en 1908. Le crédit de l’Empire en avait reçu-une grave atteinte. L’intérêt moyen des consolidés anglais en 1907 avait été 2,98 pour 100, celui de la rente française 3,18 pour 100, celui de la rente allemande 3,57 pour 100. Pendant la même année, le taux moyen de l’escompte avait été de 4,93 pour 100 en Angleterre, de 3,46 pour 100 en France, de 6,03 pour 100 en Allemagne. « Je n’ai pas besoin de dire, ajoutait le chancelier en citant ces chiffres, combien ces différences ont réagi sur les finances de